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Le mariage d’Ogoula et Ilombè (1ère partie)
Nous présentons aujourd’hui le premier « épisode » d’un conte que nous avons recueilli début 2009 dans les faubourgs de Libreville au Gabon, au sein de la communauté mpongwè. Il s’agit du récit d’Ogoula et Ilombé, dit par Jean Félix Ayenouet, l’un des derniers grands conteurs de la région.
Ce tournage a pu être effectué grâce au linguiste Patrick Mouguiama-Daouda, qui donne ici quelques clefs de décryptage des récits traditionnels mpongwè en général et de ce conte en particulier :
« La tradition orale mpongwè est caractérisée par des contes dans lesquels des animaux sont calés dans des rôles précis : Ndjego le léopard, glouton sans scrupules, Eziwo, l’antilope à bande dorsale noire, sotte à l’extrême, Nkunu la tortue, très astucieuse, etc. Mais il y a également des récits mettant en jeu des êtres humains, chacun dans une posture particulière : le roi coupeur de tête Ranyambyè, le mouchard Eséringila et son allié, Marongè le caméléon, l’idiot du village, Oboukwabukwé, au corps couvert de pians, difforme.
D’autres personnages peuvent intervenir dans les contes du cycle de Ranyambyè. Il s’agit d’Ilombè, très belle femme aux pouvoirs mystiques, et d’Ogoula, garçon ingénieux également doté de facultés hors du commun. Ces derniers apparaissent dans d’autres contes, avec d’autres personnages. Ainsi à côté du cycle de Ranyambyè, il y a le cycle d’Ilombè, celui d’Ogoula, particulièrement riche, et bien d’autres.
André Raponda-Walker, prêtre, érudit et savant gabonais connaissait ces contes et les avait traduits en français, sans rapporter le texte authentique. L’intérêt des récits, ici présentés, tient à la restitution des corpus en mpongwè. Ce qui permettra une traduction littérale révélant les structures fondamentales de la langue.
Ayenouet Jean Félix, dit « Pap’Osingi », est un grand conteur reconnu comme tel par sa communauté. Fortement imprégné de ses traditions, il a déjà permis de sauver plusieurs contes. Il y a encore quelque temps, il les disait, régulièrement, les soirs dans son corps de garde, entouré par une assistance enthousiaste. A près de 80 ans, il n’a plus l’occasion de le faire. L’ordre traditionnel a été détruit et le savoir qui le véhiculait a disparu. Le mpongwè se transmet de moins en moins et ceux qui ont une bonne pratique de la langue n’ont pas la connaissance de la tradition orale (contes, devinettes, proverbes, etc.).
Le conte qui suit présente les caractéristiques connues de la tradition orale, notamment l’enchâssement des récits, l’insertion des chantefables, les digressions, les références implicites, les interactions conteur/assistance. Il commence par une séquence d’ouverture canonique : osèngè limbini « le décor est planté ». Quand le conteur prononce cette formule, l’assistance peut répondre limbini ! « bien planté ». Elle sera sollicitée périodiquement pour soutenir en chœur une chanson intercalée dans le récit ou pour confirmer son intérêt pour le conte.
Osengè limbini… »
Un grand merci aussi à Angéla Ontchanga, et à Marguerite Amaka, qui a bien voulu nous éclairer sur les noms des personnages, que le conteur a parfois mêlés. Dans les sous-titrages, nous avons pris la liberté d’apporter les rectifications nécessaires.
Et… à la semaine prochaine pour le 2ème épisode…
Linguiste : Patrick Mouguiama-Daouda
Image & son : Muriel Lutz
Montage : Caroline Laurent