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19-26 juin 2010 : visite à Paris de Carol Silva, historienne et professeur de langue hawaïenne
Invitée par l’association France-Hawaï, Carol Silva était en visite à Paris du 19 au 26 juin dernier pour son travail sur la langue hawaïenne, une bonne occasion pour faire le point sur cette langue, qui frôlait l’extinction il y a 50 ans à peine, et sur sa remarquable revitalisation.
Petit historique de la langue
– Ce sont des Polynésiens, probablement des voyageurs des îles Marquises, qui initialement s’installèrent sur les îles hawaïennes il y a environ 1 500 ou 2 000 ans. L’hawaïen, appelé ‘Ōlelo Hawai‘i (langue d’Hawaï), est donc une langue de la famille austronésienne qui se rapproche du marquisien, du tahitien et du māori.
– Pendant des siècles, la culture hawaïenne se transmet par pure tradition orale.
– En 1778, James Cook découvre les « Îles Sandwich » (plus tard Hawaï), très vite colonisées par les Européens.
– En 1821, l’écriture et l’imprimerie introduites par les colons entraînent un début de standardisation de l’alphabet hawaïen.
– Dans les années 1850, sous l’impulsion du prince Lot Kapuaiwa (futur roi Kamehameha V), les Hawaïens sont encouragés au bilinguisme. Le roi espère ainsi à la fois perpétuer les usages traditionnels et l’emploi de la langue hawaïenne dans les foyers, et permettre le travail en collaboration avec les occidentaux ainsi que l’adoption d’idées nouvelles venues du continent. Sous son règne, l’élite devient polyglotte et la population atteint un niveau d’alphabétisation tout à fait exceptionnel, qui aurait surpassé à l’époque celui des Etats-Unis et de l’Angleterre.
– Lors de l’exposition universelle de 1889 à Paris, l’alphabétisation est le thème de l’exposition présentée au pavillon des îles Hawaï.
– En 1898, l’archipel est annexé par les Etats-Unis d’Amérique et l’usage de toute autre langue que l’anglais est découragé. La scolarité se fait désormais entièrement en anglais.
– Dans les années 1960, la langue hawaïenne est au bord de l’extinction. Seuls quelques anciens la parlent encore.
– Peu à peu, un regain d’intérêt pour la langue et la culture hawaïennes va permettre leur renaissance. Les nombreux écrits et enregistrements réalisés en hawaïen au cours du 19ème siècle servent à documenter la langue, et un comité est chargé de travailler sur le vocabulaire nouveau.
– En 1978, l’hawaïen devient une langue officielle de l’Etat d’Hawaï et on voit apparaître des écoles d’immersion en hawaïen.
– En 1990, alors que l’on ne compterait plus qu’un millier de locuteurs environ, le gouvernement américain reconnaît à Hawaï le droit de protéger, utiliser et promouvoir la langue hawaïenne.
– Aujourd’hui il existe plus d’une trentaine d’écoles qui dispensent un enseignement en hawaïen – de la maternelle au lycée – et on compterait environ 5000 locuteurs. On estime à 300 le nombre d’enfants élevés avec l’hawaïen comme première langue. Bien qu’encore assez limité, le nombre de locuteurs présente une hausse nette et durable.
La revitalisation de la langue
Le travail des nombreux professeurs d’hawaïen porte donc ses fruits, mais il ne va pas sans poser des questions auxquelles tous les enseignants de langues en danger sont confrontés : comment transmettre une langue en déclin, quand il reste peu de locuteurs natifs et que la richesse de la langue est donc amoindrie à cause des coups de boutoir de la langue dominante ?
Par exemple en hawaïen, l’idée de possession n’existant pas, la traduction des pronoms et des adjectifs possessifs prend une ampleur impressionnante. Malheureusement, ces nuances intimement liées à la culture hawaïenne sont tellement subtiles que très peu de personnes sont aujourd’hui capables de les enseigner. Elles sont donc souvent simplement abandonnées.
Pour bien enseigner une langue minorisée, pour en préserver la richesse, il est par conséquent capital de prendre en compte sa dimension culturelle. Une revitalisation réussie ne peut se faire que dans le cadre d’une approche globale qui prenne en compte le mode de pensée, les usages et les traditions d’un peuple.
Carol Silva, responsable de la gestion des archives aux Hawaii State Archives et enseignante de langue hawaïenne, s’inscrit dans ce type de démarche. Elle s’appuie en particulier sur les chants et les récits transmis par tradition orale depuis des siècles. Et grâce à sa connaissance intime de la culture hawaïenne, elle fait partie des très rares professeurs à encore savoir aborder certains points grammaticaux.
La visite de Carol Silva était organisée par l’Association France-Hawaï, créée par Sandra Kilohana Silve dans le but de promouvoir la culture hawaïenne en France. Sandra Kilohana Silve est maître de Hula (danse traditionnelle hawaïenne) à Hawaï, et a créé une école en France : le Hālau Hula O Mānoa. parishalau@gmail.com