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18 juin 2010 : L’activiste aborigène Lex Wotton, condamné pour son rôle dans les émeutes de Palm Island, Australie, devrait sortir de prison
Rappel des faits:
19 novembre 2004 : Mulrunji Doomadgee, un trentenaire d’origine aborigène, décède en garde à vue à Palm Island, Etat du Queensland, Australie.
26 novembre 2004 : L’annonce du rapport d’autopsie de Doomadgee indique que sa mort n’était pas accidentelle (4 côtes cassées et rupture du foie et de la rate) et déclenche une émeute de la communauté aborigène. Plusieurs bâtiments officiels sont détruits, dont un commissariat, mais aucune blessure sérieuse n’est occasionnée.
29 novembre 2004 : Lex Wotton, conseiller du Palm Island Aboriginal Shire Council, est arrêté avec 16 autres, et accusé d’avoir initié l’émeute.
Décembre 2004 : Wotton est mis en liberté conditionnelle dans l’attente de son procès. Il est qualifié de « leader and saviour » par la communauté de Palm Island.
2006 : Un rapport de médecine légale accuse le Sergent Hurley, présent lors de la garde à vue, d’avoir causé la mort de Doomadgee par coups et blessures.
2007 : Le sergent Hurley est innocenté du meurtre de Doomadgee. La famille de Doomadgee fait appel de la décision.
Octobre 2008 : Procès de Wotton pour incitation à l’émeute. Il risque l’emprisonnement à vie, mais sera finalement condamné à 6 années de prison.
Juin 2010 : Wotton devrait être libéré pour bonne conduite. A ce jour l’enquête sur la culpabilité de Hurley est toujours en cours…
Les événements de Palm Island en 2004 ont révélé une fois de plus la situation dramatique des populations aborigènes d’Australie, en particulier quant à leur place dans la société australienne.
Rappel historique :
1606 : Première rencontre entre Aborigènes et Européens à Cap York, Queensland.
1788 : Début de la colonisation par les Britanniques. Les maladies importées déciment la population aborigène et les massacres perpétués à leur encontre se multiplient.
1838 : Pour la première fois, des blancs sont condamnés pour le meurtre d’aborigènes après le massacre de Myall Creek
1869 : Les enfants métis sont retirés à leurs familles pour être élevés dans la culture chrétienne. Cette politique durera environ un siècle. On l’appelle aujourd’hui la politique des « générations volées ».
1962 : Les Aborigènes d’Australie se voient accorder le droit de vote
1967 : Un référendum accorde des droits aux aborigènes. Ils seront désormais inclus dans la population lors des recensements.
1999 : Vote d’une motion de réconciliation rappelant que le traitement subi par les indigènes est le chapitre le plus sombre dans l’histoire nationale de l’Australie.
2008 : Le premier ministre Kevin Rudd demande pardon aux Aborigènes et en particulier aux « générations volées ».
Au total, plus de 40 groupes linguistiques ont été déplacés de force, et on estime que 100.000 enfants ont été enlevés, entraînant une grave perte de patrimoine culturel. Aujourd’hui, la population aborigène souffre d’un fort taux d’alcoolisme.
De plus, malgré la politique officielle d’intégration, la place des Aborigènes dans la société australienne reste dramatique : manque de personnel médical qualifié, isolement, violences policières etc… L’avocat de Wotton, Me Stewart E. Levitt, soutient par exemple qu’en 15 ans, 241 Aborigènes seraient morts en garde à vue en Australie sans qu’aucune poursuite ne soit menée.
Lex Wotton revient sur l’émeute de 2004 dans l’ouvrage Guerriers pour la paix – La Condition politique des Aborigènes vue de Palm Island (Editions Indigènes, 2008), coécrit avec Barbara Glowczewski.
Lex Wotton, plombier de profession, a créé en 1997 un groupe d’aide pour « les problèmes sociaux, domestiques et liés à l’emploi ». Il prône la réconciliation au sein de sa communauté, et estime nécessaire de passer des accords avec les propriétaires terriens locaux. Il souhaite également voir se créer un Centre des savoirs culturels et locaux sur Palm Island.
Barbara Glowczewski, ethnologue française, a vécu de nombreuses années avec les Aborigènes d’Australie. Elle est l’auteur, entre autres, de Rêves en colère – alliances aborigènes dans le Nord-Ouest australien (Plon, 2004), et de Les rêveurs du désert – peuple warlpiri d’Australie (Actes Sud, 1996). Elle est aussi membre du Conseil Scientifique de Sorosoro.