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Les langues songhay
Relecture et complément d’information par Lameen Souag chercheur post-doctorant, School of Oriental and African Studies (Londres), 2011.
Données sur les langues songhay
Noms alternatifs : songhai, songai, soŋay, sonrhaï
Suivant Heath (1999) et Souag (à paraître), nous avons choisi de parler « des songhay » au pluriel (voir la partie « classification interne » de cet article). Il convient néanmoins de préciser que l’occurrence la plus nombreuse est celle du singulier : le songhay.
Aire géographique : Ces langues sont parlées dans une vaste zone , recouvrant le moyen cours du fleuve Niger, du Bénin au Mali, en passant par le Niger et le Burkina Faso, ainsi que dans les régions désertiques du sud-Sahara, au Niger. On retrouve également quelques locuteurs au Nigéria, des locuteurs de dendi dans la ville de Salaga au Ghana, ainsi que dans quelques villages au Soudan et autour de l’oasis de Tabelbala dans le sud-ouest de l’Algérie.
Le songhay a connu son apogée à la fin du moyen-âge (15ème- 16ème siècle) au moment de l’expansion de l’empire Songhay, dont la capitale était Gao.
Classification : Il n’y a pas de consensus sur la classification de l’ensemble songhay. Selon la classification de Greenberg (1963) les (ou le) songhay appartiennent à la famille des langues nilo-sahariennes, cette classification a été reprise par Bender (2000) et Ehret (2001). L’appartenance des songhay à la famille nilo-saharienne a cependant été contestée par de nombreux linguistes, dont Dimmendaal (2008) et Nicolaï (1990, 2003).
Des études ont été effectuées pour rapprocher les songhay d’autres familles de langues, dont les langues mandées. Nicolaï (1990) a même émis l’hypothèse que le songhay, à l’origine, serait un berbère « pidginisé dans le moule d’une langue mandée ». Cette hypothèse n’est cependant pas vérifiée pour le moment.
Il apparaît donc que la question de la « filiation » des songhay est une question toujours ouverte pour le moment, et qu’il est plus prudent de les considérer, provisoirement, comme un groupe isolé, non-apparenté à une autre famille de langues, jusqu’à ce que son affiliation soit prouvée de manière plus consensuelle.
Classification interne : Selon les sources on considère soit le songhay comme un vaste continuum dialectal, dont les variantes sont parfois non-mutuellement intelligibles ou alors comme un groupe de langues distinctes quoique proches. Il n’y a pas d’unanimité quant au nombre exact de ces langues, ni leurs noms ni sur les frontières entre dialectes et langues songhay.
Nous suivons ici Heath (1999) pour qui le terme « songhay désigne une famille de langues, souvent précédemment appelées dialectes ». Les divergences internes, particulièrement entre le groupe songhay méridional et le groupe septentrional, ou encore au sein de cet ensemble septentrional, sont trop fortes pour qu’elles puissent être considérées comme de simples variantes d’une même langue. L’intelligibilité entre le korandjé et le tadaksahak, par exemple, est faible, elle devient quasi-nulle entre le korandjé et le songhay occidental.
Néanmoins on peut considérer qu’une classification interne consensuelle de l’ensemble songhay s’organiserait de la façon suivante :
Songhay méridional
Songhay oriental variante de Gao, Gaawo senni (parler de Gao), au Mali
Songhay kaado parlé sur la rive droite du fleuve Niger, région de Téra, de Tillabéri et d’Ayorou, au Niger.
Zarma parlé sur rive gauche du fleuve, du Zarmaganda au Zarmatarey, dans la région de Niamey, au Niger. C’est la variante qui compte le plus grand nombre de locuteurs.
Songhay central comprenant :
le honbori senni (parler de Hombori)
le maranse parlé dans les régions de Dori et Markoye au nord du Burkina Faso.
Tondi soŋay ou tondi songway kiini (songhay des falaises) parlé à Kikara au Mali.
Dendi qui englobe les variantes de Kandi, Djougou et Parakou, au Bénin.
Songhay occidental (Goundam-Tombouctou) correspond à la variante de Tombouctou, le tunbutu ciini ou tunbutu senni, littéralement « parler de Tombouctou », au Mali ainsi qu’au jenne ciini ( parler de Djenne ), très proche.
Songhay septentrional
Tasawaq parlé dans le centre-est du Niger, dans la région d’Ingal.
Korandjé (kwarandzyey) ou belbali
Groupe Nomade
Tadaksahak
Tagdal (variante parlée par les nomades Igdalen) – Tabarog (variante parlée par les nomades Iberogan)
Le songhay occidental est parfois considéré comme un songhay « intermédiaire » entre l’ensemble méridional et l’ensemble septentrional. Si on exclut ce dernier, le groupe méridional présente une certaine homogénéité et peut être considéré comme un vaste ensemble de variantes dialectales ou de langues très proches, selon les critères retenus.
Le groupe septentrional est beaucoup moins homogène et les langues, fortement influencées par les berbères et les arabes dialectaux sont très éloignées des langues du groupe méridional.
Le tagdal-tabarog est nommé « tihišit » par certaines sources comme Ethnologue, mais cette appellation est contestée.
Nombre de locuteurs : La population totale de locuteurs de songhay s’élève à plus de 3 000 000 de locuteurs selon Bender (2000) dont une très grande majorité de locuteurs de zarma (plus de 2 000 000).
Il est difficile d’avoir des chiffres récents et précis sur le nombre de locuteurs de chaque langue. D’après le site Ethnologue.com, il y aurait environ 200 000 locuteurs de songhay occidental et de kaado (que le site regroupe) ; environ 300 000 locuteurs pour le songhay oriental ; environ 2 400 000 locuteurs de zarma ; 130 000 locuteurs de songhay central ; 30 000 locuteurs de dendi ; 100 000 locuteurs de tadaksahak ; environ 20 000 locuteurs de tagdal (le site ne donne pas d’estimation pour le tabarog, il est probable que ce nombre soit pour l’ensemble des deux dialectes) et 8000 locuteurs de tasawaq. Ethnologue.com ne donne pas d’estimation pour le korandjé (environ 3000 locuteurs selon Lameen Souag, 2010).
Vitalité et transmission : Nous n’avons pas d’estimations disponibles concernant la vitalité de chaque langue songhay. On peut postuler cependant que la vitalité globale du zarma est bonne et que sa transmission est assurée. Cependant, si on considère les autres langues, la situation est probablement très inégale. Celles possédant le moins de locuteurs, sont probablement menacées, malgré l’isolement de certaines populations du nord. La situation la plus inquiétante est surement celle du korandjé, considéré comme « sévèrement en danger » par l’UNESCO.
Statut : Le « songhay » (zarma) est une langue nationale au Niger, où il est parlé par un quart de la population. Il a également le statut de langue nationale au Mali.
Les autres langues songhay n’ont pas de statut officiel dans pays où elles sont parlées.
Bibliographie
Bender, Lionel. 2000. “Nilo-Saharan” In African Languages – An Introduction, Bernd Heine and Derek Nurse (eds), Cambridge University Press.
Dimmendaal, Gerrit. 2008. « Language Ecology and Linguistic Diversity on the African Continent » In Language and Linguistics Compass 2/5:842.
Ehret, Christopher. 2001. A Historical-Comparative Reconstruction of Nilo-Saharan. SUGIA – Supplement 12. Köln: Köppe.
Heath, Jeffrey. 1999. Grammar of Koyraboro (Koroboro) Senni, the Songhay of Gao. Rüdiger Köppe Verlag, Köln
Nicolaï, Robert. 1981. Les dialectes du songhay: contribution à l’étude des changements linguistiques. Paris: SELAF. 302 pp
Nicolaï, Robert. 1990. Parentés linguistiques (à propos du songhay), Paris, CNRS.
Souag, Lameen (A paraître). « The Subclassification of Songhay and its Historical Implications ». Journal of African Languages and Linguistics.
Quelques liens complémentaires
Site de l’APDS consacré au songhay (en français), contenant beaucoup d’informations, des cartes, des liens et hébergeant quelques articles sur « la langue songhay ».
Pages consacrées aux variantes du songhay sur le site Ethnologue.com (en anglais).
Korandjé numerals (en anglais)
Northern Songhay sur le site personnel de Lameen Souag (en anglais)
Si vous avez des informations complémentaires sur cette langue n'hésitez pas à nous contacter : contact@sorosoro.org
Fiches descriptives disponibles pour les langues suivantes au sein de cette famille :