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Le parintintin
Données collectées par l’UNICEF
Données sur la langue parintintin
Noms alternatifs : kagwahiv, kawahib, cabahyba, tupi-kawahib
« Kagwahiv », signifie « nous, les notres » ; c’est une auto-dénomination partagée par plusieurs groupes vivant sur le moyen et le haut-Rio Madeira et dans le centre de l’état de Rondônia. Le groupe le plus au nord est généralement désigné sous le nom de parintintin, un nom probablement d’origine munduruku.
Le nom parintintin a un temps servi à désigner l’ensemble des groupes kagwahiv, aujourd’hui il est utilisé pour désigner les seuls groupes kagwahiv vivant dans les Territoires Indigènes Ipixuna et Nove de Janeiro.
Aire géographique : Brésil, Etat d’Amazonas, Municipalité de Humaitá, dans les TI Ipixuna et Nove de Janeiro.
Classification : Famille tupi, branche tupi-guarani, groupe VI.
Nous suivons ici la classification établie par Jensen (1999).
L’auto-dénomination « kagwahiv » est partagée par un ensemble de groupes dont les parlers sont très proches et qui partagent de nombreux traits culturels et une même organisation sociale. De nombreuses sources considèrent qu’il s’agit d’une seule et même langue, comprenant plusieurs dialectes.
Dans ces cas-là on distingue (comme Fabre, 2005) deux ensembles dialectaux principaux :
L’ensemble dialectal nord, comprenant les variantes parlées par les Parintintin, les Tenharim ainsi que les derniers Juma survivants.
L’ensemble dialectal sud comprenant les variantes parlées par les Uru-eu-wau-wau, les Amondawa (ou Amunduva) et les Karipuna do Rondônia (qu’il ne faut pas confondre avec les Karipuna do Guaporé, d’origine Pano).
Les différences entre les différents dialectes sont principalement d’ordre lexical.
Tous seraient des descendants des « Cabahyba » qui vivaient sur le haut-Tapajós jusqu’au 18ème siècle.
Nombre de locuteurs : La population parintintin compte 418 personnes selon la FUNASA (2010). Mais le nombre de locuteurs de la langue ancestrale au sein de cette population serait dramatiquement bas et n’excèderait pas une dizaine de personnes âgées, selon l’UNESCO. Les générations plus jeunes auraient abandonné la langue au profit du portugais.
Statut de la langue : Pas de statut officiel.
Selon Linguamón : « Le portugais est la seule langue officielle du Brésil. La législation linguistique en vigueur pour les autres langues se rapporte uniquement au domaine scolaire, et en particulier à l’enseignement primaire bilingue et interculturel (exclusivement dans les communautés indigènes). En réalité, il existe pourtant peu de professeurs bilingues qualifiés. »
Vitalité et Transmission : Il semblerait que, au sein des communautés parintintin, la langue soit abandonnée au profit du portugais depuis plusieurs générations et que les derniers locuteurs soient très âgés. La langue kawahib au sein du groupe parintintin est au bord de l’extinction.
L’UNESCO considère que la langue est « en danger critique ».
Précisions historiques
Les Kagwahiv sont un des peuples du Brésil étudiés par Claude Lévi-Strauss lors de son séjour au Brésil en 1935 (il les nomme « Tupi-Cawahib ») et à qui il a consacré un chapitre de Tristes Tropiques (1955).
Ils ont été « pacifiés » par une expédition de Curt Nimuendajù en 1923, qui fait remonter leur origine aux Cabahyba, vivant sur le haut-Tapajos jusqu’au 18ème siècle.
Ils en ont été chassés par les Mundurukus (un autre groupe Tupi, non Guarani) armés par les portugais. Ils se sont déplacés vers l’ouest, probablement dispersés en petits groupes, par vagues successives, ce qui expliquerait la multiplicité des groupes « Kagwahiv ». Il y en aurait eu plus d’une vingtaine au début du 20ème siècle. La plupart ont désormais disparu. Bien que parfois en conflit, les groupes Kagwahiv se sont toujours reconnus comme un seul et même peuple.
Ils vivent désormais dans des petits « ilots » de terres, dispersés sur le vaste territoire qu’ils occupaient jadis, chassés par les exploitants miniers, terriens et séparés par la construction de l’autoroute trans-amazonienne.
Précisions ethnographiques
Les sociétés Kagwahiv se caractérisent (à de rares exceptions) par un « dualisme » social, c’est-à-dire une société composée de deux moitiés, deux groupes distincts et exclusifs, où un individu appartient à l’un ou l’autre des deux groupes. Chez les Parintintin ces deux moitiés ont, littéralement, des noms d’oiseaux : Mutum ( hocco, en français, un galliforme, un oiseau qui ne vole pas) et Kwandù (harpie, en français, l’un des plus gros rapace d’Amazonie).
Les moitiés sont patrilinéaires (un individu appartient à la même moitié que son père) et exogames (les mariages se font entre membres de moitiés opposées). Ces deux moitiés sont communes à la quasi-totalité des Kagwahiv ; le mutum (ou mytum) sera toujours l’animal « symbole » de la première moitié, mais l’animal symbole de la seconde moitié peut varier : Taravé chez les Tenharim (un ara jaune et bleu), Kanindé (un ara également) chez les Uru-eu-wau-wau, etc.
Ce système social semble unique chez les populations de langues Tupi-Guarani, il pourrait avoir été hérité des Rikbatska, population de langue macro-jê, mais qui étaient voisins des ancêtres des Kagwahiv.
Chez les Parintintin cependant, cette société dualiste est complexifiée par l’existence d’une « troisième catégorie», Gwyrai’gwára, dont les membres sont considérés comme Kwandù mais ne sont pas soumis à l’exogamie, symbolisé par le japù (ou oropendola) un petit oiseau des marais.
Les villages Parintintin sont relativement petits et traditionnellement organisés autour d’une seule maison commune abritant plusieurs familles. Ces maisons communes ont tendance, de nos jour, à disparaître au profit de maisons familiales individuelles.
Pour en savoir plus sur les populations Parintintin et Kagwahiv voir les pages qui leur sont consacrées sur l’indispensable site de Povos Indígenas no Brasil.
Ainsi, bien sûr, que le travail de Claude Lévi-Strauss.
Sources
De Castro Alves, Flávia (2010). Brazil Amzónico. In « Atlas sociolingüístico de pueblos indígenas en América Latina », UNICEF. Tome 1, Pp 245- 264
Fabre, Alain. 2005. Diccionario etnolingüístico y guía bibliográfica de los pueblos indígenas sudamericanos. Consultable en ligne [26/10/2011]
Sources en ligne
Données collectées par l’UNICEF sur le parintintin [26/10/2011]
Pages consacrées aux Parintintin sur le site de Povos Indígenas no Brasil [26/10/2011]
Page consacrée au kagwahiv (kawahib, ici) sur le site de Linguamón [26/10/2011]
Bibliographie complémentaire
Betts, LaVera. 1981. Dicionário Parintintín-Português, Português-Parintintín. Brasília: SIL.
Jensen, Cheryl (1999). »Tupi-Guarani ». InThe Amazonian languages, R.M.W. Dixon and Alexandra Y.Aikhenvald (eds) Cambridge University Press, 1999
Kracke, Waud H.1984. « Kagwahiv moieties: form without function? ». In: K. Kensinger (ed.), Marriage practices in lowland South America: 99-124. Urbana: University of Illinois Press.
Lévi-Strauss, Claude 1948. « The Tupi-Cawahib ». HSAI 3: 299-305.
Lévi-Strauss, Claude 1955. « Tupi-Kawahib ». In: C. Lévi-Strauss, Tristes tropiques: 379-445. París.
Nimuendajú, Curt 1924. « Os Parintintín do rio Madeira ». JSAP 16: 201-278.
Peggion, Edmundo Antônio 1996. Forma e função. Uma etnografia do sistema de parentesco Tenharim (Kagwahiv, AM), Dissertação de Mestrado. Campinas: UNICAMP.
Rodrigues, Aryon D. (1999), « Tupi » . In The Amazonian languages, R.M.W. Dixon and Alexandra Y. Aikhenvald (eds) Cambridge University Press, 1999
Voir l’Atlas sociolingüístico de pueblos indígenas en América Latina et Fabre (2005) pour une bibliographie plus complète.
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