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Le mpongwè
Page réalisée par:
Lolke van der Veen. Professeur de Linguistique à l’Université Lumière-Lyon 2, membre titulaire du laboratoire Dynamique du Langage (DDL, UMR 5596). Lolke van der Veen est spécialiste des langues du Gabon.
Odette Ambouroué. Docteur en Linguistique. LLACAN. Odette est l’auteur d’une thèse sur l’orungu.
Données sur la langue mpongwè
Noms alternatifs :
Alors que « mpongwè » est le nom communément attribué à la langue dont il est question ici et au groupe ethnique qui la parle, le nom myènè (voir ci-après) de cette variété linguistique est èβóŋɡwànì. Mpongwè (ou Mpongo) est également le nom que les autochtones donnent à la ville de Libreville. Les Mpongwè furent les premiers habitants de cette ville fondée en 1849.
Dialectes et variantes :
Le mpongwè est lui-même un des six dialectes du groupe myènè.
Classification : Niger-Congo, Bantu, B11a
Le mpongwè est une langue bantu (bantu du Nord-Ouest) référencée B11a d’après la classification de Guthrie (1967-1971). Il fait partie du groupe linguistique myènè (B10) qui se compose de 6 dialectes relativement proches : le mpongwè (èβóŋɡwànì ; B11a), l’orungu (èrúŋɡwànì ; B11b), le galwa (èɣálwànì ; B11c), l’adyumba (èdyúmbyànì ; B11d), le nkomi (èɣɔ́myànì ; B11e) et l’enenga (ènéŋɡyànì ; B11f). Il est possible qu’au moins une de ces variétés (B11f) ait d’ores et déjà disparu.
Aire géographique :
Cette variété de myènè est parlée dans la province de l’Estuaire, à Libreville principalement. Les Mpongwè constituent l’ethnie septentrionale de l’ensemble myènè.
Nombre de locuteurs :
Le total de locuteurs myènè est estimé entre 40 000 et 50 000. D’après l’Ethnologue, le nombre de locuteurs du mpongwè se situerait entre 1000 et 4000.
Statut de la langue :
Tout comme les autres langues vernaculaires du Gabon, le mpongwè possède le statut de langue nationale. Pour des raisons historiques il possède un prestige certain, mais ce prestige n’a pas suffit pour garantir sa survie.
Vitalité et Transmission :
Etant fortement concurrencé par le français, l’avenir du mpongwè est très incertain. Le myènè, en tant que communauté ethnolinguistique totalisant plus de 40 000 individus, est moins directement menacé. Les langues qui conservent le plus de locuteurs à l’heure actuelle sont le nkomi (province de l’Ogooué-Maritime), l’orungu (région de Port-Gentil) et le galwa (région de Lambaréné).
Médias, diffusions, et enseignement :
Au Gabon, le français est la langue de l’enseignement et de l’administration. Le mpongwè est utilisé dans certaines activités ethnoculturelles (rites traditionnels, etc.). Il n’est pas certain qu’il soit encore utilisé dans le cadre familial.
Vidéos en mpongwè sur le site Sorosoro
En janvier 2009, Sorosoro a filmé la langue mpongwè à Libreville, dans le cadre de son programme de documentation vidéo des langues en danger, en collaboration avec le linguiste Patrick Mouguiama-Daouda.
Précisions historiques et ethnographiques
Les Mpongwè ont joué un rôle important d’intermédiaires commerciaux dans les échanges entre les marchands européens et les populations de l’intérieur du Gabon à l’époque coloniale et précoloniale. Ils se trouvaient déjà dans l’estuaire du Gabon au XVe siècle, au moment où les premiers marins portugais sont arrivés. Grâce à l’importance qu’ils ont acquise par leur position de courtiers et leurs contacts avec les Blancs, les Mpongwè ont intégré de nombreuses femmes d’autres populations de la région (Benga, Sekyani, Akele, Mitsogo). Leur langue a longtemps servi de langue de communication (lingua franca) dans l’ouest du Gabon.
Précisions sociolinguistiques
Le processus d’interruption de la transmission intergénérationnelle semble bien engagé. La majeure partie des jeunes de la communauté n’ont plus qu’une maîtrise imparfaite de leur langue (tâches de compréhension).
Précisions linguistiques
Le mpongwè reste la variété la mieux étudiée du groupe. Voir les références ci-après. Au moins une caractéristique phonétique mérite d’être mentionnée : dans les mots où les autres parlers du groupe ont le son /m/, le mpongwè atteste un /w̃/ (un /w/ nasalisé) dans certaines positions.
Quelques mots en mpongwè
Proverbes :
Ìdyómbà ŋkálá, ìrɔ́ndá mbɔ̀ɣɔ́: Le mariage est un village (on s’y installe pour de bon), le copinage est un campement (démontable à tout moment).
Ndʒɔ̀ɣù ɣémɛ̍n àyɛ́ mpɔ́ɣá, èdówín a̍bo̍lwɛ̍ m’ìɣúmù: Quand l’éléphant avale le fruit mpoga, il fait confiance à son anus. (Proverbe sur la prise de risque.)
Bibliographie
Bessieux Mgr. 1847. Dictionnaire français-pongoué, pongoué-français. (2 volumes). Amiens, Lenoël-Hérouart.
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Gautier, J. M. 1912. Grammaire de la langue Mpongwè. Mission catholique, Libreville.
Kane, F. 1998. Etude contrastive du français et du mpongwe : approches phonétique et phonologique. Mémoire de maîtrise, Université Omar Bongo.
Mouguiama-Daouda, P. 1988. Eléments de description du mpongwe : phonologie, morphologie du système nominal et pronominal. Mémoire de Maîtrise, Université Omar Bongo.
Mouguiama-Daouda, P. 1990. « Esquisse d’une phonologie diachronique du mpongwè ». Pholia, 5, pp. 121-146.
Mouguiama-Daouda, P., Van der Veen, L. J. 2005. « B10-B30 : conglomérat phylogénétique ou produit d’une hybridation ». In Bostoen, K. & Maniacky, J. (eds.), Studies in African Comparative Linguistics, with special focus on Bantu and Mande. Tervuren: Royal Museum for Central Africa (RMCA/MRAC), Sciences Humaines, pp. 1781-1857.
Ogouamba, P. 1990. Etude morphosyntaxique du verbe en mpongwè, parler B11 du Gabon. Mémoire de Maîtrise, Université Omar Bongo.
Raponda-Walker, A. 1930-1934. Dictionnaire mpongwé-français, suivi de Eléments de grammaire. Metz, Imprimerie La Libre Lorraine.
Wilson, J. L. 1897a (1847). Grammar of the Mpongwe Language. New York, American Board of Comm. for Foreign Missions.
Wilson, J. L. 1879b. « Mpongwe grammar. Comparative vocabularies ». JOAS, 1, pp. 340-341.
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