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Le kokborok
Page réalisée en collaboration avec François Jacquesson, Directeur de recherche, LACITO-CNRS, 2011.
Données sur la langue kokborok
Noms alternatifs : Kok Borok, tripuri
L’appellation « tripuri » (litt : la langue de tripura ) est un exonyme (nom donné par une autre communauté linguistique) bengali, c’est la dénomination la plus commune, mais elle est rejetée par une partie des locuteurs qui lui préfèrent la dénomination « kokborok » (litt : la langue des Borok , selon le nom qu’ils se donnent à eux-mêmes).
Aire géographique : Les locuteurs de kokborok vivent surtout dans certaines parties de l’état de Tripura, dans le nord-est de l’Inde.
On trouve également des locuteurs de l’autre côté de la frontière, au Bangladesh.
La langue est plus utilisée dans les zones rurales, elle est remplacée par le bengali à Agartala, capitale de l’état de Tripura, et dans les centres urbains. Les media sont en bengali.
Classification : Le kokborok fait partie du groupe des langues bodo-garo (ou boro-garo), branche du groupe tibéto-birman de l’ensemble linguistique ‘sino-tibétain’.
Il est très proche de deux autres langues bodo-garo : le dimasa et le boro.
Principaux dialectes : le kokborok est une langue relativement homogène. Il existe, néanmoins, des variantes dialectales intermédiaires au dimasa et au boro.
Nombre de locuteurs : Environ 800 000 locuteurs (estimation de François Jacquesson) au Tripura. Le nombre de locuteurs au Bangladesh est difficile à estimer, mais ne dépasse sans doute pas quelques dizaines de milliers.
Statut : le kokborok est une langue de communication, elle n’a aucun statut officiel, même à un niveau local.
Enseignement : Le kokborok est enseigné dans un collège expérimental, en accord avec les autorités de l’état.
Ecriture : Il existe deux systèmes d’écritures concurrents du kokborok. L’un, développé d’abord par les missionnaires protestants, est basé sur l’alphabet latin ; l’autre se base sur l’écriture bengalie. Les deux écritures sont en usage, même si certains militants considèrent l’autre écriture comme un symbole détestable.
Littérature : Il existe une littérature relativement complète : grammaires, dictionnaires, livres pour enfants, romans, recueils de poésie… Cette littérature est relativement récente, cependant, et éditée à l’échelle locale par des militants et des associations plus ou moins religieuses, comme la Tei Hukumu Mission.
Médias : Il n’y a pas, à notre connaissance, de journaux, ni de radio ni de télévision en kokborok.
Le film, Yarwng, réalisé par Joseph Pulinthanath, est le premier film tourné en kokborok. Primé dans plusieurs festivals, il est projeté pour la première fois en France dans le cadre des troisièmes Rencontres Sorosoro, le 8 décembre, à la Maison des Cultures du Monde, Paris.
Vitalité et transmission : La vitalité du kokborok est plus menacée que le nombre relativement haut de locuteurs peut le laisser supposer. La langue est encore transmise mais son usage décroît rapidement sous la pression du bengali, tous les locuteurs étant, au moins, bilingues. Il est à craindre que le nombre de locuteurs connaisse une diminution rapide dans un futur proche et que la langue tombe vite en désuétude au profit du bengali.
Précisions historiques
Au moment de la colonisation anglaise, le royaume du Tripura avait été amputé de sa moitié pour atteindre la taille actuelle de l’état du Tripura, la partie « amputée » se trouvant dans le centre-est de l’actuel Bangladesh. A l’indépendance (1947), l’Inde moderne a absorbé ce royaume et en a fait un de ses états. La langue kokborok était autrefois dominante dans la région, cependant le bengali est vu depuis longtemps comme une langue « plus prestigieuse », comme en témoigne l’admiration des derniers rajas pour la culture bengalie et Rabindranath Tagore.
Après l’indépendance, la pression économique et culturelle du bengali n’a fait que croître. Et l’afflux de populations bengalophones en provenance des pays limitrophes a grandement contribué à la minorisation du kokborok. On estime aujourd’hui que plus de 90% des habitants du Tripura sont bengalophones.
Précisions sociolinguistiques
Dans les zones urbaines, comme à Agartala, le kokborok n’est pratiquement plus utilisé et même dans les zones rurales son champ d’utilisation se réduit souvent au cercle familial ou aux proches. Dans les représentations le bengali a longtemps été vu comme une langue plus prestigieuse et plus « utile » que le kokborok.
Dans le cadre général du Nord-Est indien, réputée instable et rebelle, le Tripura fait figure de zone calme, néanmoins une revendication identitaire existe aussi chez les Boroks, quoi que de manière plus pacifique que pour certains peuples des états voisins.
Depuis deux décennies une prise de conscience de la nécessité de préserver la langue, vue comme un pan essentiel de l’histoire et de la culture borok, s’est développée au sein de la population borok, notamment pour la classe éduquée de la population.
La littérature en et sur le kokborok s’est développée, et, sous l’impulsion de quelques militants, une première structure éducative officielle en kokborok a pu voir le jour.
Bibliographie
Binoy Debbarma. 2002. Anglo-Kokborok-Bengali Dictionary. 2nd edition. Agartala: Kokborok Tei Hukumu Mission (KOHM)
F. Jacquesson, 2008, A Kokborok Grammar (Agartala dialect), Agartala, Tei Hukumu Mission.
F. Jacquesson, 2008, « Discovering Boro-Garo, History of an Analytical and Descriptive linguistic Category », European Bulletin of Himalayan Research, 32, 14-49.
F. Jacquesson, 2006, « La reconstruction linguistique du passé : le cas des langues Boro-garo », Bulletin de la Société de Linguistique de Paris, 101/1, 273-303.
Si vous avez des informations complémentaires sur cette langue n'hésitez pas à nous contacter : contact@sorosoro.org