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Le gallo
Page réalisée par Simon Couturier à partir de données fournies par Jessica Haumont, 2016
Données sur la langue gallaise
Noms alternatifs : Langue gallèse, britto-roman.
Classification : Famille des langues indo-européennes, sous-famille des langues romanes (ou gallo-romanes), branche des langues d’Oïl.
Aire géographique : Territoire de Haute-Bretagne (Haùtt-Bertaèyn en gallo), partie orientale de la Bretagne grossièrement située entre l’extrémité est des départements de l’Ille-et-Vilaine et de la Loire-Atlantique et un axe passant par le milieu des départements du Morbihan et des Côtes-d’Armor pour la frontière ouest.
Nombre de locuteurs : Environ 200 000 locuteurs, selon un sondage de l’institut TMO pour l’association Bretagne Culture Diversité. Plus de 300 000 personnes, soit 8% de la population bretonne, déclarent avoir une connaissance passive de la langue.
Statut de la langue : Le gallo est officiellement reconnu par le Conseil régional de Bretagne comme « langue de Bretagne » aux côtés du breton et du français. Depuis 2008, selon l’article 75-1 de la Constitution française, le gallo appartient au patrimoine de la France tout comme l’intégralité des langues régionales du pays sans pour autant être reconnue comme langue officielle, ce statut étant seulement réservé au français.
Enseignement : Le gallo fait l’objet d’un enseignement public en Bretagne, bien qu’il ne s’agisse la plupart du temps que d’une simple initiation à la langue et culture gallèse et non de réels cours de langue ni d’enseignement continu. Le gallo est présent en école maternelle et primaire (dans une vingtaine de communes en Ille-et-Vilaine et Côtes d’Armor), ainsi qu’en option facultative dans quelques collèges et lycées. L’association Dihun Breizh dispense également des initiations à la langue dans des écoles publiques et privées, bien que ces interventions se limitent à quelques rares établissements.
En ce qui concerne l’enseignement supérieur, la présence du gallo est également faible. Des cours de gallo ont été dispensés entre 1996 et 2001 à l’Université de Rennes 2, puis de nouveau à partir de 2008 dans le cadre des LANgues pour Spécialistes d’Autres Disciplines (LANSAD).
Dans le domaine de la recherche en linguistique, de plus en plus d’enquêtes sont menées et la langue semble intéresser un nombre croissant d’étudiants et de laboratoires.
De plus, en dehors du circuit éducatif traditionnel, de nombreuses associations et festivals proposent des cours de gallo, immersions linguistiques, camps de vacances pour enfants, promotions des traditions orales, célébrations en gallo ou autre (parmi elles, les « Assembiés Gallèses » organisées tous les ans au mois de juillet, ou encore la Bogue d’Or à Redon, la Gallésie en fête, le Festival Mil Goul, la Semaine du gallo et du breton…)
Médias/Littérature : Plusieurs humoristes ou encore des compagnies de théâtre promeuvent le gallo en Haute-Bretagne, parmi lesquels : l’Orange Givrée (Morbihan), Tradior (Ille-et-Vilaine) ou encore Rire et faire rire d’Hillion et Asteure Comm’Aout’fa (Côtes d’Armor). Le chant étant un élément très important de la culture gallèse, de nombreux groupes modernes de différents styles s’expriment également en gallo. La langue dispose en outre d’une présence radiophonique faible mais régulière.
En ce qui concerne la littérature, il existerait actuellement une quarantaine d’ouvrages originaux écrits en gallo (entièrement ou partiellement). La plupart d’entre eux sont des ouvrages didactiques, mais d’autre ouvrages existent, par exemple des livres jeunesse tels que des imagiers ou des bandes-dessinées.
Vitalité et transmission : Le gallo est classé par l’UNESCO comme « langue sérieusement en danger ». Comme pour la plupart des langues d’oïl, la grande majorité des locuteurs sont âgés et, du fait de la faible présence de la langue dans l’enseignement, le nombre de nouveaux locuteurs potentiels ne parvient pas à combler le vide laissé par les locuteurs qui disparaissent. La langue est donc en sérieuse perte de vitalité. Un rapport du groupe de travail sur le gallo datant de mai 2015 déclare : « un processus de réappropriation par les nouvelles générations est en cours même si la tendance des effectifs des jeunes apprenants est à la baisse depuis vingt ans et que de nombreux ponts restent à construire ». Ce même rapport constate tout de même que des événements concernant le gallo fleurissent de plus en plus au seins de diverses institutions culturelles. Selon une enquête sur la réappropriation de la langue par les 15-25 ans, réalisée dans le cadre d’un mémoire de Master pour l’Université de Bretagne-Sud, 30% des personnes interrogées se disent intéressées pour apprendre le gallo.
Précisions historiques
Durant la première moitié du XIXe siècle, l’intérêt pour la gallo est très faible dans la littérature, la langue étant toujours considérée soit comme un patois, comme du français déformé ou comme trop proche du français. C’est dans les années 70 que quelques auteurs vont commencer à s’intéresser à cette langue et sa culture.
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Dès 1975, on peut voir le quotidien Ouest-France publier l’article « Richesse linguistique abandonnée, le gallo se meurt dans l’indifférence générale ». Très vite l’intérêt du public s’éveille et une association, les Amis du Parler gallo (qui deviendra plus tard Bertègn Galeizz), est créée. D’autres associations de promotion de la culture gallèse vont émerger dans les années suivantes. On citera ici la Bogue d’Or ou les Assembiés Gallèses. Les 20 prochaines années seront marquées par l’éveil de l’importance de sauvegarder le « petit patrimoine » d’où une multiplication des associations locales.
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En 1977, à la suite d’une intervention du président de la République Valéry Giscard d’Estaing, une charte va être ratifiée dont l’objectif sera de « recenser, conserver, étudier et analyser les éléments spécifiques du patrimoine culturel breton » afin d’en faciliter la promotion.
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Entre 1980 et 1990, les associations oeuvrent d’abord principalement pour la reconnaissance du gallo (qui sera marqué entre autres par la présence de la langue au baccalauréat à partir de 1984). Plus tard, dans les années 90, les associations se donnent pour mission d’étendre la visibilité du gallo dans les médias et la littérature.
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En 2004, le Conseil régional de Bretagne adopte la politique linguistique de la Bretagne et déclarera « le pluralisme linguistique de la Bretagne est ancien et constitutif de son identité », reconnaissant de ce fait l’existence du gallo, aux côtés du breton et du français, parmi les langues de Bretagne.
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En 2007, la jeune association Chubri se donne pour mission de réaliser un maximum d’enquêtes orales en vue de sauvegarder la langue. Ces enquêtes permettent de décrire le parler et de créer des mots nouveaux afin de l’adapter au monde moderne, passage obligé pour la survivance d’une langue.
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En 2015, un rapport remis au président du conseil régional par le conseil culturel présentent des études et préconisations en vue de favoriser toujours plus la reconnaissance du gallo dans la vie publique.
Précisions ethnographiques et sociolinguistiques
Au XIVe siècle déjà, on parle de deux Bretagnes : la « Bretaigne bretonnante » et à la « Bretaigne gallou ». Le gallo est donc depuis longtemps coincé entre deux identités fortes : le français à l’est, seule langue officielle de France cherchant à imposer son hégémonie, et le breton à l’ouest, langue historique de Basse-Bretagne ayant toujours démontré une certaine vivacité et une volonté forte de préservation identitaire. Les locuteurs du gallo souffraient d’un sentiment d’infériorité linguistique, mais également culturelle, par rapport à leurs voisins bretons, considérant qu’ils parlaient un « français déformé ». On retrouve ce sentiment chez la plupart des locuteurs de langues d’Oïl, du fait de la proximité linguistique du français avec ces langues « soeurs », là où il est en revanche aisé de constater une rupture linguistique entre le breton et les langues romanes.
Certains bretonnants auraient même considéré le gallo comme « front avancé de la Romania Française », partant du principe que seul le breton pouvait être la langue des « vrais » bretons et qu’aucune langue romane n’avait sa place dans le patrimoine culturel de la région. On peut également trouver des traces de cette rupture dans l’étymologie même du nom « gallo », qui proviendrait du breton « gall » signifiant « français » ou « étranger ».
A cause de cette double discrimination dont a souffert le gallo, les locuteurs ont dû supporter diverses humiliations par le passé, en particulier à l’école où le gallo, qualifié de « patois », était systématiquement brimé via des punitions. Ces considérations faisant du gallo un « patois », un « sous-parler », ont réussi à convaincre les locuteurs de la supposée inutilité du gallo voire de son côté néfaste (de telles considérations persistent aujourd’hui chez les jeunes, préférant consacrer leur temps à apprendre les langues d’utilité globale comme l’anglais et l’espagnol). Des personnes ont dit considérer leur échec professionnel car ils « parlaient mal », ou encore pensaient que le gallo rendait bête, là où le fait de parler français rendait par contre le locuteur « propre ». Le gallo est également vu par beaucoup de jeunes comme un parler n’appartenant plus qu’au passé.
Cependant, comme dit précédemment, la tendance s’inverse légèrement et même si la langue peine à empêcher son nombre de locuteurs de décroître, un réel intérêt pour celle-ci semble grandir parmi la population.
Précisions linguistiques
Le gallo ne dispose pas encore d’une graphie officielle. On compte au moins 5 systèmes d’écriture : l’ELG, l’Aneit, le vantyé, le MOGA et l’ABCD, aucun de ces systèmes ne parvenant à faire l’unanimité. Certains de ces systèmes privilégient une orthographe ancienne, empruntée aux plus vieux documents connus rédigés en gallo, là où d’autres souhaitent conserver une graphie plus proche du français afin de faciliter l’apprentissage de la langue. Les nombreuses variantes dialectales du gallo rendent difficile la conception d’une graphie unifiée.
Extraits
Présentation du gallo sur le site de l’association Chubri :
«L’galo s caozz den lé touâz çinqhiem du soulérr d la B-rtingn istoriq :Il e vilein-n, ouérr Atkauntiq, le tièrr ô soulérr du Morbiyaun e lé deûz tièrr ô soulérr dé Côtt d’Ahaot.S’ée in parlement romaun du dmenn de wi. S’ée ahuchë « l’patouâz » itou, conm pourr tout lé parlement rejionnao de Fraunç. Mée l’tèrm-çi s pèrd de pu en pu a caozz qe s’ée deprizaunt e q’i n don-n pouint d’idée su l’térouer du caozë.Conm lé-z aotr parlement d Fraunç, le galo ée en daunjer d disparétt, surtou a caozz de la politiq d’ « abolisment dé patouèz » qe mni l’Etat fraunçéez a parti d la Revoluçion fraunçéezz. Parr le fètt, la politiq-la a frenë l’ajustaïj du galo é chaunjment du vintiem sieq e sa q’a poussë l’mondd a s sèrvi rin q du françéez : alonjment du ten ecolier, chaunjment dé métiéer, agraundisment dé vil, mouvaunç pu fortt du mondd, devlopment d l’ecrit den la vî d tout lé jour, néssaunç e forçisment d la telë e d la radio… Dedpée 2009, l’UNESCO a cllâssë l’galo enmél lé parlement « en graund daunjer » den sn atlass dé parlement en daunjer.»
Quelques liens pour en savoir plus
Quelques associations et manifestations :
http://www.chubri.org/
http://www.bertegn-galezz.bzh/
http://assembies-galleses.net/
Rapport du groupe de travail sur le gallo :
http://www.bretagne.bzh/upload/docs/binary/octet-stream/2015-10/rapport_gallo_octobre2015.pdf
Lecoq André, l’enseignement du gallo :
http://trema.revues.org/942
Ressources sur le gallo, sur le site de la Région Bretagne :
http://www.bretagne.bzh/jcms/wcrb_173629/fr/bretagne-fr-search?q=gallo
Résultat du sondage de l’enquête Bretagne Culture Diversité :
http://bcd.bzh/DOC/DIGEST-sondage.pdf
Si vous avez des informations complémentaires sur cette langue n'hésitez pas à nous contacter : contact@sorosoro.org