Imprimer |
L’itelmène
Données sur la langue itelmène
Noms alternatifs : itelmen, itelmène occidental, kamtchadal, kamtchadal occidental.
L’appellation « kamtchadal », plutôt obsolète de nos jours, a servi à désigner également un créole de base russe, aujourd’hui disparu, né des intermariages entre la population itelmène et les colons russophones. Ce terme est encore parfois employé pour désigner la population métisse, issue de ces intermariages et désormais locutrice de russe, ou encore, plus largement, la population russophone du Kamtchatka. On trouve les traces de ce créole disparu dans la variante de russe parlée par cette population.
Itelmène correspond à une transcription de l’auto-dénomination ethnique (auto-ethnonyme). Il est en usage depuis les années 1930 environ.
Dialectes : On considère généralement que l’itelmène actuel se compose de deux dialectes principaux : le dialecte du sud (Khayryuzovo), et le dialecte du nord (Sedanka). Les noms et le nombre des dialectes de l’itelmène ne fait pas consensus, cependant, certains considèrent un troisième dialecte : le dialecte de Nopan.
Classification :
L’itelmène est la dernière langue vivante de la branche sud (ou branche kamtchadale), des langues tchukotko-kamtchatkienne (ou tchoukotko-kamtchadale). Il est très éloigné des langues de la branche nord (ou branche tchoukotko-koryak).
La branche sud était composée d’un ensemble de trois dialectes (dialecte méridional, dialecte oriental, dialecte occidental) relativement proches. L’itelmène actuel est un descendant du dialecte occidental.
Il faut noter cependant que la parenté entre l’itelmène et les langues tchoukotko-koryak n’est pas forcément consensuelle, certains linguistes considèrent que les ressemblances entre ces langues sont dues aux emprunts mutuels nés des contacts entre ces différentes populations. Dans ce cas-là, l’itelmène est considéré comme un isolat.
Aire géographique : Russie, Sibérie, sur une petite zone de la côte ouest de la péninsule du Kamtchatka, principalement dans les villages de Kovran et d’Ust-Khayryuzovo.
Le territoire où vivent la majorité des Itelmènes fait partie du Territoire Autonome Koryak, dans lequel ils sont en minorité.
Nombre de locuteurs : Le recensement Russe de 2002 compte une communauté itelmène de plus de 3000 personnes, mais très peu sont locutrices de la langue. Environ 300 personnes, toujours selon le recensement de 2002 auraient quelques connaissances de la langue, mais ces connaissances peuvent être très parcellaires. Le nombre de locuteurs de l’itelmène serait bien inférieur à 100, selon Endangerd Languages of Indigenous People of Siberia.
Statut : l’itelmène est reconnu comme une « langue indigène minoritaire » ce qui lui confère une protection générique.
Ecriture : il existe un système d’écriture de la langue, basé sur l’alphabet latin et commun à la plupart des peuples sibériens (qui parlent des langues pourtant extrêmement différentes), qui a été crée par le pouvoir soviétique dans les années 30.
Un autre système, basé sur l’alphabet cyrillique a été inventé par le linguiste Volodin, en 1986, mais cet alphabet n’a jamais vraiment été utilisé.
Enseignement : l’itelmène est enseigné durant les trois premières années de scolarité, cependant cet enseignement reste essentiellement symbolique et ne permet pas de combattre efficacement l’abandon de la langue au profit du russe au sein de la population itelmène. Ceci s’explique, en partie, par la difficulté de former des enseignants ayant un niveau suffisant en itelmène pour pouvoir le transmettre correctement.
Depuis 1999, une école en itelmène a été mise en place par « the Association of Northern Peoples », l’école « Lach ». Cette école utilise les manuels mis au point par le linguiste Volodin.
Pour plus d’information sur ce point, voir le témoignage de V.I. Uspenkaya (2001) : http://ansipra.npolar.no/english/MKN/MKN08-08.html (en anglais)
Radio : Il existe quelques programmes radios en itelmène.
Vitalité et transmission : La langue est au bord de l’extinction. Les derniers locuteurs de la langue sont très âgés. La langue n’est plus vraiment utilisée et la transmission intergénérationnelle s’est interrompue il y a 50 ans. La langue a été supplantée par le russe.
En 1989, conscientes de l’urgente nécessité de revitaliser la langue et la culture itelmène, plusieurs associations locales ont réuni leurs efforts au sein de l’union “Тхсаном” (l’aube).
Il existe une volonté de revitalisation de la langue, mais beaucoup reste à faire pour y arriver.
Pour plus de précision voir Uspenkaya (2001) (en anglais)
Précisions historiques
Venus s’installer dans la région il y a plus de 6000 ans, les Itelmènes sont probablement les plus anciens habitants du Kamtchatka, les Koryak et les Ainu seraient arrivés plus tard sur la péninsule. Ils étaient des pêcheurs, chasseurs et cueilleurs, avec probablement la meilleure connaissance en herboristerie du Kamtchatka.
En 1697, l’explorateur russe Vladimir Atlasov, estimait la population itelmène à environ 20 000 personnes. A cette époque, la population itelmène occupait presque la totalité du Kamtchatka. A partir du 18ème siècle, la colonisation russe du Kamtchatka a entrainé une diminution drastique de la population itelmène, victime des virus importés par les colons et de la réduction progressive de leur espace vital.
L’empire tzariste a également imposé une conversion massive à la religion orthodoxe et une violente collecte des taxes. Les Itelmènes se sont retrouvés sous une forte pression idéologique et économique, ce qui a conduit à des révoltes contre l’occupant Russe, toutes violemment réprimées.
Forcés d’abandonner leur mode de vie traditionnel, perpétuellement déplacés et relocalisés par les autorités, les itelmènes se sont rapidement retrouvés en minorité sur leur propre territoire. Les intermariages avec les colons Russes se sont multipliés. L’introduction de l’alcool occidental a également fait des ravages chez cette population fragilisé. Tous ces phénomènes ont contribué a une déculturation rapide et a la quasi-disparition de la population itelmène en tant que groupe ethnique.
Au 19ème siècle, on ne comptait plus que 1500-2000 Itelmènes, et deux dialectes (méridional et oriental) sur trois avaient disparu.
Sources
Page consacrée à l’itelmène sur le site Endangerd Languages of Indigenous People of Siberia [30/06/2011]
Bibliographie complémentaire
Бенедикт Дыбовски, 1998. Словарь ительменскогоязыка. Warszawa : Energeia, 236 с.
(Benedykt Dybowski, 1998. Dictionary of the Itelmen language. Warszawa : Energeia, 236p.)
Володин А.П. 1976. Ительменский язык. Л.
(Volodin A. P. 1976 The Itelmen Language. Leningrad)
Володин А.П. 1995. Ительмены. М.
(Volodin A. P. 1995. The Itelmens. Moscow)
Voir cette page pour une bibliographie complète sur l’itelmène
Si vous avez des informations complémentaires sur cette langue n'hésitez pas à nous contacter : contact@sorosoro.org