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Sorosoro, retour de tournage !
Après une mise en sommeil des tournages ces dernières années, Sorosoro reprend du terrain ! Grâce à une bourse de la Fondation Crédit Agricole du Finistère, en Bretagne, nous avons pu racheter du matériel de tournage, à savoir une caméra, un pied, des micros, des lumières etc.
Le breton, une langue celtique en danger
Et c’est donc en Basse-Bretagne, là où l’on parle encore breton, que l’équipe a posé ses caméras durant tout ce mois d’août. La langue bretonne est en effet classée par l’UNESCO parmi les langues sérieusement menacées de disparition : elle était parlée par 1 000 000 de personnes il y a un siècle, il n’en restait plus que 500 000 il y a 30 ans, et leur nombre est aujourd’hui descendu au-dessous de la barre des 200 000, la grande majorité d’entre eux ayant plus de 70 ans.
Bien sûr, il y a les jeunes générations, qui peuvent suivre une scolarité en breton grâce aux écoles en immersion (réseau Diwan), ou aux écoles bilingues, mais ces nouveaux locuteurs sont loin de compenser la perte annuelle de près de 10 000 brittophones natifs.
Cette perte est d’autant plus regrettable sur le plan scientifique que la langue bretonne est la dernière représentante des langues celtiques sur le continent (une parente du gaulois !). Et si l’on rajoute que toutes les langues celtiques (gaëlique d’Ecosse, gaëlique d’Irlande, manx, gallois, cornique) sont en danger de disparaître au cours de ce siècle, on comprend à quel point l’enjeu est de taille.
Une course contre la montre
La langue bretonne a traversé les siècles jusqu’à nous grâce aux classes populaires, grâce aux paysans, aux pêcheurs, aux artisans, sans lesquels elle aurait disparu depuis longtemps. Ces femmes et ces hommes sont les précieux dépositaires d’une langue très ancienne qui risque de s’effacer.
Au rythme actuel de la diminution des locuteurs de breton, il nous reste peu de temps pour collecter ces trésors avant qu’il ne soit trop tard, pour faire parler ces anciens qui sont témoins d’un monde en train de disparaître sous nos yeux.
Sorosoro fait d’une pierre deux coups !
L’objectif premier de Sorosoro est donc toujours patrimonial : filmer ceux qui parlent une langue foisonnante et savoureuse (syntaxe impeccable, vocabulaire étoffé, accent prononcé, tournures de phrases, proverbes, dictons, etc.) avant qu’il ne soit trop tard. Mais ce n’est pas tout ! Cette fois, nos vidéos auront également une destination pédagogique.
En effet, d’un côté de l’échelle des générations, les anciens sont autant de « trésors nationaux », ou de « bibliothèques vivantes », qui s’en vont les uns après les autres. A l’autre bout de cette échelle, une partie de la jeunesse a repris le flambeau, mais ceux qui apprennent la langue le font en règle générale de façon livresque car il est désormais difficile d’avoir accès à des bretonnants natifs. Et cette langue apprise est par conséquent souvent francisée dans sa syntaxe et son accent. Il est temps de rapprocher ces générations, et nous entendons y contribuer !
Pour cela, nous nous sommes associés au projet « Hentoù Treuz » (« Chemins de traverse »), qui a pour objet de compléter la formation à la langue bretonne des apprenants en leur donnant accès à la langue riche et colorée des anciens, via des supports audiovisuels et des rencontres avec ces locuteurs natifs.
Une joyeuse équipe…
C’est ainsi motivés que Rozenn Milin, la directrice de Sorosoro, Muriel Lutz, la chef opératrice de prises de vue (elle-même Alsacienne !), Pol-Yvon Virot, l’ingénieur du son, et Dewi Sibéril, le responsable d’Hentou Treuz, ont sillonné le pays tout au long du mois d’août.
Afin que la collecte soit riche et foisonnante, nous avons en effet tâché de filmer les différents accents et toutes les subtilités de la langue dans ses différentes variantes.
… et de formidables locuteurs
Nous avons donc passé une journée avec Fine Darcel, du Pays Pourlet, qui nous a fait une superbe démonstration de son talent de crêpière (des crêpes que nous avons bien entendu dégustées !).
Nous sommes ensuite allés chez Nicolas Coatmellec, dans sa magnifique maison de pierres de Glomel, en Centre-Bretagne.
Puis ce furent les frères Morvan, Herri et Yvon, célèbres chanteurs de kan ha diskan, qui se sont produits sur les plus grandes scènes (des Vieilles Charrues aux Transmusicales de Rennes !!) mais sont toujours restés paysans par ailleurs.
Le lendemain nous étions en Trégor pour filmer les croustillantes histoires de Maurice Prigent et Roger Le Buzulier, qui, en habitués des scènes locales, ont rivalisé de malice face à la caméra.
Noël Faumel et Jean-Pierre Droniou au moulin à vent de Ploulec’h n’étaient pas en reste avec leur « concours d’injures » en breton !
Un peu plus tard nous avons abordé le pays Bigouden avec les histoires de Jeannine Lagadic, ancienne ouvrière dans les fritures de poisson.
La pétillante Marie-Louise Rozen nous a gâtés avec ses souvenirs de jeunesse dans un très beau breton de l’île de Sein
A son tour, Angèle Jak, en pays Glazik, nous a narré l’étonnante histoire de sa vie, une vie de femme à la pointe de tous les combats.
Rosa Thépaut, une autre femme ébourrifante, en pays de Léon cette fois, a quant à elle décrit par le menu ses aventures de chauffeur de car au long cours !
Puis retour à la terre et aux questions agricoles avec Jean-Louis Laot, paysan nouvellement retraité qui a appris le breton « sur les genoux de sa mère », selon l’expression consacrée.
Et enfin, quel plaisir d’écouter Per ar Go, raconteur d’histoires du Haut-Léon, tant pour la beauté de son breton que pour la saveur de ses récits…
Vous les retrouverez toutes et tous d’ici la fin de l’année sur notre site, dès que nos vidéos seront montées. Nous avons encore du pain sur la planche !