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17 octobre 2016 : le changement climatique, menace supplémentaire pour les langues en danger ?
Le changement climatique est indéniablement un des grands problèmes de notre époque. Chaque année est plus chaude que la précédente et les glaces arctiques fondent, menaçant des écosystèmes entiers. Mais pas seulement.
De nombreux peuples vivent grâce à ces écosystèmes, et le réchauffement climatique pourrait donc accélérer la disparition de ces peuples, de leurs cultures, et donc de leurs langues.
Les langues du monde sont intimement liées à l’environnement de leurs locuteurs. Que se passe-t-il alors si une culture, comme celle des inuits, dépendante du temps à tel point que celui-ci a modelé leur langue, voit tout son environnement changer à vitesse record ? De nombreux mots disparaissent alors du fait de ces changements, entrainant avec eux toutes les subtilités de la langue. Il y a par exemple le mot isersarneq qui signifie « le vent dans le fjord vient de la mer et à cause de lui, il peut être difficile de rentrer, mais une fois que tu seras sorti du fjord, le temps sera plus clément » !
En Sibérie, le réchauffement climatique touche directement les légendes les plus ancestrales des viliui vakha, selon lesquels l’hiver est apporté par « le bison de l’hiver ». En voyant que l’hiver vient de plus en plus tard chaque année, ce peuple s’est mis à questionner ses propres légendes, ou du moins à se demander si le « bison de l’hiver » reviendra vraiment un jour.
Parmi les nombreuses cultures directement menacées par le changement climatique, on peut donc citer les inuits du Groenland et du Canada, les viliu sakha de la république russe de Sakha, mais aussi les peuples du Vanuatu, des îles Marshall, du Tuvalu, de la Nouvelle Guinée et du Kiribati.
Les changements climatiques menacent de rendre de nombreuses zones inhabitables, forçant des populations autochtones à quitter leurs terres ancestrales et menaçant la biodiversité. Selon des chercheurs, comme Jonathon Loh, la biodiversité d’un lieu serait liée à la diversité linguistique du même lieu. Dans un article de 2014, il faisait remarquer que la Nouvelle-Guinée, où l’on trouve une des plus grandes biodiversités du monde, est aussi le lieu où l’on trouve la plus grande diversité linguistique. Il serait alors possible qu’une plus grande biodiversité entraîne une plus grande diversité culturelle, les deux domaines s’adaptant de la même manière à leur environnement.
Les peuples concernés ont déjà dû s’adapter et se réadapter de nombreuses fois à leur environnement au cours des siècles voire millénaires derniers. Cependant, « s’adapter » signifiait souvent pour eux « se déplacer », et ce sur de très vastes territoires. Chose qui leur est actuellement de plus en plus impossible, étant donné qu’on ne leur laisse bien souvent que des bouts de terre. Ce n’est donc pas le changement climatique seul qui menace ces cultures, mais l’ajout à cela des cultures dominantes qui sont présentes sur les même terres.
Se battre contre le réchauffement de la planète n’est donc pas seulement une question de protection de notre environnement et de la biodiversité mais aussi de protection de cultures minoritaires auxquelles il est plus que jamais important d’accorder un droit de parole. Des cultures qui, de plus, portent souvent dans leur langue des connaissances sur l’environnement qui peuvent aider les scientifiques à prendre meilleure conscience des changements.