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Une histoire d’esclavage
L’un de nos tournages au Gabon en 2009 était mené par Jean-Marie Hombert, linguiste qui étudie les langues de ce pays depuis plus de vingt ans. Grâce à son excellente connaissance du terrain, nos équipes ont pu être introduites et filmer dans un petit village akélé de la région des lacs près de Lambaréné.
Nous avons ainsi pu découvrir des individus attachants, interrogés devant la caméra sur des sujets contemporains comme sur les éléments de leur tradition orale. Ceux qui suivent les mises en ligne hebdomadaires de nos vidéos ont déjà eu l’occasion de voir et d’entendre Théodosie, Anaket, Jean Kédine, Papa Kédine, qui nous semblent aujourd’hui si familiers, comme si, à force de les entendre raconter, nous avions fini par vraiment les connaître.
A vrai dire, ils ne nous sont plus vraiment étrangers depuis que nous avons rencontré Hugues Awanet qui, durant l’été 2009, a vaillamment traduit tous nos rushes en akélé provenant de ce village. Anthropologue vivant à Paris, Hugues était arrivé jusqu’à nous par un réseau de connaissances, et sa surprise, comme la notre, avait été grande en découvrant que… toutes ces images avaient été filmées dans son village d’origine, et que la plupart des personnes interrogées étaient de sa famille : son frère, sa mère, son grand-père…
Comment aurions-nous pu, nous-mêmes, faire le lien, quand le patronyme de Hugues était Awanet alors que celui de son frère et de son grand-père était Kédine. Il aura fallu qu’il nous donne le détail compliqué de l’attribution des noms dans sa communauté pour que nous commencions à comprendre…
Hugues lui-même n’était pas au bout de ses surprises lorsque nous lui avons présenté les nombreux documents qu’il allait traduire. En particulier, il découvrait à quel point son propre grand-père, Papa Kédine, était un fabuleux conteur, dépositaire de l’histoire de toute sa communauté. Nous avons déjà eu l’occasion de montrer sur le site de Sorosoro une vidéo où il raconte le « conte du Dieu de l’aval et du Dieu de l’amont », histoire que Hugues, le petit-fils ethnologue, nous avait alors décryptée.
Cette fois, c’est Jean Kédine, le frère, qui nous livre un récit dont il affirme qu’il est réel, une histoire qui remonte à ses ancêtres maternels, transmise de génération en génération. Elle met en jeu trois frères et un esclave, un meurtre et une recherche de vampire, mais nous n’en dirons pas plus car le sens profond de l’ensemble échappe à nos esprits occidentaux. Il faudra décidément que nous demandions à Hugues de nous donner les clefs de cette histoire-là aussi…
Linguiste : Jean-Marie Hombert
Image et son : Luc-Henri Fage
Traduction : Hugues Awanhet
Montage : Caroline Laurent