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La diversité culturelle et ses succès… sur le territoire français aussi !
Posté par Rozenn Milin le 21 mai 2010
Rozenn Milin est directrice de Sorosoro, journaliste et réalisatrice
Ceux qui « voyagent » un peu sur notre site auront noté que nous y parlons beaucoup d’Afrique, d’Amérique Latine, d’Océanie, d’Inde… Certains doivent même penser qu’il est décidément bien plus facile de se préoccuper des questions de diversité dans des pays lointains que sur notre propre territoire : la distance géographique rend en effet ces cultures plus mystérieuses, plus singulières, et donc peut-être plus séduisantes, plus précieuses, en quelque sorte.
Pourtant, les langues de l’hexagone, le basque, le breton, le corse, l’occitan, l’alsacien etc. sont également dignes d’intérêt, et il est tout aussi important de les sauvegarder. De nombreux militants s’y consacrent depuis des décennies, et comme il est toujours agréable d’annoncer de bonnes nouvelles, nous ne résistons pas au plaisir d’attirer votre attention sur les résultats scolaires du système éducatif bilingue breton-français en Bretagne.
Le Figaro a en effet fait paraître récemment son palmarès 2010 des lycées de France, et les résultats de cette étude ont certainement surpris beaucoup de lecteurs du journal. Les lycées arrivant en tête n’étaient en effet pas les « grands » lycées parisiens, mais, pour le premier, un lycée de Beaune en Bourgogne, et, pour le deuxième, le lycée « Diwan » de Carhaix dans le Finistère…
La réussite de l’éducation en langue régionale
Diwan est un ensemble d’écoles associatives et gratuites, allant de la maternelle à la terminale, créé en 1977, et dont la principale caractéristique est que la langue de base de l’enseignement est… le breton. La méthode pratiquée est celle de l’immersion : le français est progressivement introduit à partir du CE1 ; au collège, l’enseignement se fait aux deux-tiers en breton pour un tiers en français ; et à partir de la quatrième, l’anglais devient langue d’enseignement de certaines matières.
Ce qui frappe d’emblée lorsque l’on visite ces écoles est l’esprit d’ouverture : des adolescents parlant couramment anglais, des cours d’arabe au fin fond de la Bretagne, une pratique musicale généralisée etc.
Et les résultats sont là : en français, les évaluations nationales en CE2 et en 6ème montrent que le niveau des élèves des écoles Diwan est globalement supérieur à la moyenne nationale. En 1992, huit premiers collégiens passaient le brevet des collèges ainsi que le First Degree of Cambridge avec un taux de réussite de 100%. Et en 2010, Le Figaro classe le lycée Diwan de Carhaix « 2ème meilleur lycée de France » parmi 1930 établissements.
Sélection drastique ou accompagnement des élèves ?
Pour ceux qui s’étonneraient de ce dernier résultat, sachant que le taux de réussite au bac de 2009 n’est « que » de 99% dans ce lycée alors que des établissements plus prestigieux comme Louis Le Grand ou Henri IV à Paris obtiennent 100%, une explication s’impose : le taux désormais affiché est le « taux de cohorte », considéré plus significatif.
Le taux brut de réussite au baccalauréat peut en effet résulter d’un écrémage drastique en amont et plusieurs autres critères sont donc désormais pris en compte, notamment le taux d’accès des classes de seconde et de première au baccalauréat et la proportion de bacheliers parmi les sortants. Il s’agit bien ici de mesurer l’accompagnement global des élèves depuis leur entrée en seconde, la volonté de faire que l’ensemble des éléments aboutisse positivement sa scolarité sans procéder à une sélection systématique visant à afficher des chiffres sans faute au bac.
Les résultats de cette « modeste » école qui trace son chemin au fil des années montrent donc sans équivoque que l’éducation en langue régionale a fait ses preuves. Au-delà de cette réussite formelle, il est important de signaler également que, contrairement à ce qu’affirmaient certains leaders politiques ou syndicaux il n’y a pas si longtemps, ces écoles ne sont pas discriminantes puisqu’elles cherchent au mieux à accompagner les élèves quelles que soient leurs capacités de départ. Parions aussi que les jeunes qui en sortent sont prêts, précisément, à affronter le monde dans toute sa diversité, sans jugement de valeur et avec une grande ouverture d’esprit.