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Le quechua santiagueño
Données collectées par l’UNICEF
Données sur le quechua santiagueño
Noms alternatifs : quichua, runa simi, quichua de Santiago del Estero, quichua argentino.
Principaux dialectes : il est possible qu’il existe des variantes du quechua santiagueño, mais le manque de données scientifiques sur le sujet ne permet pas de déterminer ces éventuelles variantes de manière consensuelle.
Classification : Famille des langues quechua. Branche Quechua II-C sud.
La classification des langues quechua est un sujet de débats permanents (voir notre page sur les langues quechua). La distinction entre langues et dialectes quechua est une question extrêmement complexe et sur laquelle il y a peu de consensus.
Le quechua santiagueño appartient à l’ensemble Quechua II-C comme tous les quechua du sud, il est très proche des autres parlers de ce groupe (le quechua de cuzco et le quechua bolivien par exemple, deux des quechua comptant le plus de locuteurs) qui sont toutes parfois considérés comme des dialectes. Le groupe II-C étant alors vu comme un grand ensemble dialectal (ou « macrolecte »), dont chacune des variantes se subdivisent à leur tour en « sous-dialectes ».
Nous suivons ici Campbell (1997) et surtout Fabre (2005) qui choisit, cependant, de le présenter à part.
Aire géographique : Argentine, dans le nord-est du pays. Principalement dans la province de Santiago del Estero, et aussi dans l’agglomération de Buenos Aires. Il y a peut-être quelques locuteurs dans la province de Salta.
Nombre de locuteurs : Il est difficile d’avoir un nombre précis de locuteur de quechua santiagueño. L’ECPI de 2001 (L’enquête complémentaire sur les populations indigènes, recensement officiel) ne prend en compte que les personnes se déclarant appartenant au groupe « ethnique » quechua, ce qui ne concerne que quelques 6000 personnes, dont environ 2000 locuteurs de la langue.
Mais la grande majorité des locuteurs sont des « métis », la plupart du temps urbains et ne sont pas considérés comme faisant partie des peuples « indigènes », un peu à l’image des locuteurs de guarani paraguayen au Paraguay. Ils échappent donc à ce recensement. Les estimations varient de 80 000 locuteurs (UNESCO) à 150 000 (Alderetes, 1997).
A cela pourrait s’ajouter une partie de la population Colla, dont certains membres seraient hypothétiquement bilingues espangol-quechua, ainsi qu’une partie de la population immigrée de Bolivie.
Statut de la langue : Pas de statut officiel.
Vitalité et Transmission : L’UNESCO considère que le quechua santiagueño est une langue en danger.
Tous les locuteurs sont bilingues quechua/ espagnol. Les personnes âgées l’utilisent toujours dans le cadre familial ou dans les situations de communications informelles, mais les jeunes ne l’utilisent plus vraiment. La transmission tend à faiblir, car la langue, chargée de représentation négative, est vue comme un obstacle à l’intégration sociale.
En effet, les locuteurs de quechua sont assimilés aux migrants boliviens, eux-mêmes victimes d’une discrimination grandissante et parfois très violente.
Précisions historiques et ethnographiques
– La langue générale :
Il existe deux théories expliquant la présence de quechua dans la nord-ouest argentin.
Selon la première théorie la présence du quechua dans cette région remonterait à la politique de colonisation de l’empire inca et la migration de colons locuteurs de quechua, les mitimaes. Selon Sichra (2010) le « quechua général » était utilisé dans la région, y compris par la population non-native, comme langue véhiculaire.
La langue général est un quechua parlé à l’origine sur la côte centrale péruvienne, et devenu langue « officielle » de l’empire inca.
La langue générale de l’empire inca s’est répandu dans les Andes du sud en même temps que le territoire politique et économique impérial. Cette expansion a commencé 60 ans avant la Conquista espagnole.
L’autre théorie veut qu’elle remonte au contraire à la Conquista. Le conquistador Diego de Rojas serait venu dans la région de Santiago del Estero depuis Cuzco, accompagné d’un grand nombre de yanaconas locuteurs d’une langue quechua. Le quechua se serait imposé comme langue de communication dans la région au cours de cette conquête territoriale.
A partir du milieu du 16ème siècle, les espagnols se sont installés à Santiago del Estero et l’usage de la langue s’est maintenu un temps au sein de la population métisse. Le quechua a ensuite été la langue de catéchisation des populations andines. La variété de quechua utilisé à cette fin était basée sur la langue générale, normalisée par les prêtres. Cet usage s’est maintenu jusqu’en 1770, date à laquelle le roi Carlos III a interdit l’usage du quechua.
Le quechua en Argentine a alors été victime d’une politique de discrimination qui a abouti à sa disparition, sauf à Santiago del Estero, où son usage a perduré et où la langue s’est mélangée aux variétés de quechua apportées par les migrants boliviens.
– Les Collas et les ethnies andines disparues :
L’adaptation aux périodes d’invasions coloniales, les guerres et les migrations vers les centres urbains ont provoqué la rapide disparition des langues indigènes du nord-ouest argentin. De nombreux peuples ont perdu leur identité ethnique, niée et discriminée, et se sont retrouvés regroupés sous une nouvelle appellation, colla. Le terme est une appellation sans occurrence historique, qui amalgame en fait tout un ensemble de populations andines, pré-incas.
Les populations andines Atacamas, Omaguacas, Tonocotés, Comechingones, Sanivarones ont disparu en tant que groupe ethniques. Il est tout à fait possible que ces populations ait abandonné leurs cultures sous la pression des colonisations successives et ait adopté l’une des deux langues majoritaires des Andes : l’aymara ou le quechua. En retour, le quechua santiagueño a probablement reçu des influences, difficilement quantifiables, de ces langues disparues.
Les recensements de la fin du 20 ème siècle ne reconnaissent plus que trois groupes andins en Argentine (en dehors des Quechua et des Aymara) : Les Collas et Diaguitas calchaquies et les Huarpe. En 2000 un recensement dénombre 170 000 collas et 6000 diaguitas calchaquies (le recensement ne mentionne pas les Huarpe).
Les Collas ont été reconnu institutionnellement comme groupe ethnique en 1994.
La discrimination croissante à l’égard de la population bolivienne immigrée appelée également parfois « colla », font qu’il est désormais plus prestigieux de se déclarer « omaguaca » (du nom d’une ethnie disparue) que « colla ».
L’ECPI de 2001 ne permet pas de clarifier les incertitudes qui accompagnent le nom « colla ». On ne sait pas vraiment qui ils sont, ni la ou les langues qu’ils parlent. Il est probable qu’une partie de la population colla soit bilingue quechua/espagnol ou espagnol/aymara.
Plusieurs Colla déclarent parler « une langue indigène », sans que l’enquête précise laquelle. La variété de l’espagnol qui caractérise la population colla présenterait un important substrat d’origine quechua.
Sources
Sichra, Inge (2010) Argentina andina In « Atlas sociolingüístico de pueblos indígenas en América Latina », UNICEF. Tome 2, pp 535-545.
Fabre, Alain. 2005. Diccionario etnolingüístico y guía bibliográfica de los pueblos indígenas sudamericanos. Consultable en ligne [04/05/2011]
Bibliographie complémentaire
Adelaar, W. 2004. The languages of the Andes. Cambridge: Cambridge University Press.
Alderetes, Jorge Ricardo. 1997. El quichua santiagueño: situación geográfica, histórica y lingüística.
Alderetes, Jorge Ricardo & Lelia Inés Albarracín. 2004. El quechua en Argentina: el caso de Santiago del Estero. IJSL 167: 83-93.
Campbell, Lyle (1997). American Indian languages: the historical linguistics of Native America. Oxford: Oxford University Press.
Courthes, Éric 1998. Santiago del Estero: foyer d’irridiation bilingue argentin. Mémoire de DEA en études ibériques et latino-américaines. París X Nanterre: Université Paris-10.
Voir l’Atlas sociolingüístico de pueblos indígenas en América Latina et Fabre (2005) pour une bibliographie plus complète.
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