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Le gascon
Fiche rédigée par Jean-Pierre Brèthes, professeur agrégé de lettres classiques, docteur ès lettres, locuteur natif.
Données sur la langue gasconne
Noms de la langue : Gascoun, Gascon.
Noms alternatifs : En France : patouès [patwes], « patois », selon le terme générique appris à l’école pour désigner sur le territoire de la République toute langue vernaculaire qui n’est pas le français. En Espagne, aranais.
N.B. : Le terme « occitan » ou depuis peu « occitan-gascon », utilisé par des militants, des politiques et des théoriciens, n’est pas reconnu par le locuteurs natifs qui font la différence entre « l’occitan » et « lou nouste » (le nôtre) à savoir le gascon.
Classification : famille des langues indo-européennes, sous-famille des langues romanes, souvent incluse dans le groupe dit « d’oc ».
Aire géographique : En France, entre Garonne et Pyrénées : totalité du Gers, des Landes et des Hautes-Pyrénées, partie de l’Ariège (Couserans), de la Gironde (sud de la Garonne), du Lot-et-Garonne (sud de la Garonne et Marmandais) et des Pyrénées-Atlantiques (Béarn). En Espagne : Val d’Aran.
Nombre de locuteurs : France : aucune étude fiable n’est disponible. Sans doute entre dix mille et cinquante mille (au plus) « vrais » locuteurs. En revanche la langue est encore largement comprise dans les parties rurales de son berceau historique : Béarn , Landes et Gers.Espagne : autour de cinq mille locuteurs, environ un habitant du Val d’Aran sur deux.
Statut de la langue : En France : langue véhiculaire en cours d’abandon, un peu enseignée sous le vocable étrange « d’occitan-gascon », quelques publications peu lues, dans une graphie savante et difficile pour les locuteurs natifs, et de rares émissions radiophoniques. Les conversations dans les marchés ruraux ne sont pas rares mais de moins en moins nombreuses. Après avoir essayé de noyer l’identité du gascon dans un vaste ensemble dit « occitan », de nombreux acteurs culturels semblent renouer avec la réalité linguistique encore observable sur le terrain. En Espagne (Val d’Aran) : langue officielle.
Vitalité et Transmission : En France : l’âge moyen des locuteurs est supérieur à 70 ans ; la transmission a été sabordée par la tentative d’introduction d’un « occitan » qui a coupé l’enseignement de langue de ses locuteurs natifs. Le français, imprégné de gasconismes, est devenu la langue de référence. L’enseignement en « calendretas » est quasiment confidentiel et se heurte à la difficulté de compréhension de ses élèves par les locuteurs natifs.En Espagne : le statut de langue officielle permet la transmission, malgré la concurrence du catalan et de l’espagnol.
Médias et Littérature : Quasiment absente de la télévision, la langue est confinée à quelques productions médiatiques et littéraires, le plus souvent sporadiques et confidentielles, occupant des niches de plus en plus étroites dans les divers média. La graphie savante qui est le plus souvent en usage est étrangère à la culture des locuteurs natifs et leur rend leur propre langue inaccessible. Ceci les exclut de fait, notamment des débats et contributions qui circulent sur la Toile.
Précisions historiques / ethnographiques/ sociolinguistiques
La Gascogne, à trois reprises au moins dans notre histoire, a correspondu à une entité politique et administrative, témoignage d’une identité particulièrement forte. Avant la conquête par les Romains, l’Aquitaine, entité clairement distincte des territoires gaulois, s’étend sur un territoire qui commence au nord à la Garonne et s’étend vers le sud, sans aucun doute au-delà des Pyrénées, sans Bordeaux ni Toulouse, cités gauloises. César l’englobe dans la « Gaule » qu’il crée de toute pièce puis Auguste s’emploie à noyer le particularisme aquitain dans une vaste entité des Pyrénées à la Loire, qu’il nomme aussi « Aquitaine ». Et pourtant, deux siècles plus tard, les Aquitains « originels » se séparent des Gaulois et se regroupent au sein de la Novempopulanie, entité inscrite presque exactement dans les limites territoriales de l’Aquitaine d’avant César.
Après l’effondrement de l’empire romain les Vascons passent les Pyrénées et le duché de Vasconie reprend, une fois encore, les frontières des premiers Aquitains, entre Pyrénées et Garonne. Au Xe siècle, un grand duché de Gascogne réunit en une même entité administrative les habitants de ces territoires à l’identité si forte.Mais bientôt la Gascogne est de nouveau englobée dans un immense duché d’Aquitaine, des Pyrénées à la Loire, véritable État qui, après Aliénor, est gouverné du XIIIe au XVe siècle par les «princes anglo-gascons». Enfin, rattachée à la France à laquelle une de ses grandes familles donne un roi, la Gascogne nourrit des mythes et fournit des types littéraires à des écrivains sensibles à l’indéniable singularité des Gascons.
Désormais, ce territoire, dont l’identité demeure vivace, ne se définit que par sa langue et sa culture. Cette langue, fondamentalement latine, nommée « gascon » au moins depuis 1313, présente d’indiscutables particularités, notamment syntaxiques, qui la distinguent de toutes les autres langues du sud de la France et de l’Europe.
Précisions linguistiques
Les études linguistiques les plus précises ont prouvé depuis longtemps que cette langue est parlée uniquement sur le territoire des premiers Aquitains.Si certaines particularités lexicales, comme le mot casau pour désigner le jardin, semblent relever du détail, le fait de marquer la forme affirmative par la particule énonciative « qué » est beaucoup plus signifiant, comme l’a fort bien montré le professeur et linguiste André Joly1. En effet, de toutes les langues romanes, seule la langue gasconne fait le choix de cette façon de dire le monde qui la distingue aussi du latin et du grec.
Sources/Liens/ Bibliographie complémentaire
Institut Béarnais et Gascon : https://www.institut-bearnaisgascon.com
« Langues et cultures régionales de France : béarnais et gascon », textes réunis par André Joly & Jean-Marie Puyau in Modèles Linguistiques 2012, fascicule 2 , Tome XXXIII, volume 6.
« Combien de locuteurs compte l’occitan en 2012 ? », Fabrice Bernissan, in Revue de linguistique romane publiée par La Société de linguistique romane, nos 303-304 Juillet-Décembre 2012.
« Gascogne, entités et identité », Jean-Pierre Brèthes, in Bulletin de la Société de Borda, n°515, 3e tr 2014.
Comprendre, parler, lire, écrire le béarnais, Jean-Marie Puyau, Institut Béarnais et Gascon Princi Négue, 2007.
Comprendre, parler, lire, écrire le gascon de Chalosse et Tursan, Jean-Pierre Brèthes et Jean-Marie Puyau, Institut Béarnais et Éditions des régionalismes, 2010.
Si vous avez des informations complémentaires sur cette langue n'hésitez pas à nous contacter : contact@sorosoro.org