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Le chiriguano (ou ava-guarani ou guarani)
Données collectées par l’UNICEF
Données sur le chiriguano
L’étendu réel du « chiriguano » varie selon les sources. Suivant Fabre (2005) et l’Atlas sociolingüístico de pueblos indígenas en América Latina, nous traitons ici d’un ensemble dialectal appelé ava-guarani (comprenant le chané) en Argentine, guarani en Bolivie (avec ses variantes ava, izoceño et simba) et guarani-occidental (ou guarayo ou ñandéva) au Paraguay. Cependant, suivant Gonzalez (2005) nous avons exclu le tapieté de cet ensemble dialectal.
Pour l’ensemble des populations guaranis du Chaco, la question de l’ethnonyme est une question très complexe. Les dénominations utilisées sont souvent des mots « fourre-tout » et d’un pays à un autre, ou selon les sources, le même nom ne désigne pas forcément le même peuple ni la même langue. Cette situation atteint son paroxysme avec l’ensemble « chiriguano».
Il faut donc bien distinguer cette langue des autres langues tupi-guarani suivantes :
-le tapieté (également appelé ñandeva au Paraguay)
-le guarayo parlé en Bolivie
-le ñandeva-chiripa parlé au Brésil et au Paraguay (qui est également appelé ava-guarani au Paraguay)
-le guarani paraguayen, langue officielle du Paraguay, souvent appelé simplement « guarani » au Paraguay
Il faut enfin signaler que l’appellation « chané » sert, en Bolivie et en Argentine, à désigner deux réalités assez différentes : d’un côté la population arawak « guaranisée » par les Ava et dont les descendants sont les Izoceños actuels en Bolivie. D’un autre coté on appelle « chané » en Argentine des locuteurs parlant un dialecte ava « conservateur » et qui se sont séparés très tôt des autres Ava. (Dietrich, 2007).
Ces dénominations croisées peuvent entraîner de grandes confusions et de grandes différences dans les données sociolinguistiques, y compris dans la littérature linguistique et ethnologique.
« chiriguano» est le terme le plus couramment pour désigner cet ensemble dialectal. Le terme a cependant une connotation péjorative, il n’est jamais utilisé comme autodénomination par les locuteurs et il est rejeté par les militants et intellectuels guaranis. Mais les autres dénominations entrainent un grand nombre de confusions. Suivant Fabre (2005,) nous utilisons donc ce terme faute de consensus sur une autre dénomination de la langue.
Pour plus d’information sur la dénomination des groupes guaranis de Bolivie, voir Combès (2007) et Dietrich (2007).
Noms alternatifs : Chiriguano, guarani, guarani occidental, guarayo, ñandéva, ava-guarani, avá, simba, izoceño, chané.
Principaux dialectes :
Le « chiriguano » est un ensemble dialectal, mais le nombre exact et le nom des différentes variantes du « chiriguano » ne fait pas consensus, en grande partie pour les raisons exposées précédemment. Nous avons exclu le tapieté que certaines sources, comme Fabre (2005), citent comme un dialecte « chiriguano ». En Bolivie, Dietrich distinguent trois dialectes principaux : l’ava (et son sous-dialecte, le simba), le chané et l’izoceño. En Argentine la variante parlée serait proche de l’ava (elle y est appelée ava-guarani) ; le chané en est distingué par Censabella, pour des raisons principalement ethnologiques, puisque les Chanés constituent des groupes communautaires distincts des Avas. Au paraguay, le guarani occidental (appelé également guarayo) est considéré par Fabre comme un dialecte distinct des dialectes boliviens et argentins.
Classification : Famille tupi, langues tupi-guarani, groupe I.
Aire géographique :
– En Bolivie, essentiellement dans le département de Tarija, Santa Cruz et Chuquisaca.
– En Argentine : Dans les provinces de Salta et Jujuy.
– Au Paraguay : Dans le Chaco occidental, département de Boquerón
Nombre de locuteurs :
– En Bolivie, l’UNICEF donne une estimation de 43 700 locuteurs pour l’ensemble des dialectes, sur une population de plus de 100 000 personnes, dont les Ava constituent le plus grand nombre. C’est le seul pays où l’on trouve encore des locuteurs monolingues.
– En Argentine, selon l’ECPI de 2005-2006, cité par l’UNICEF, la population ethnique ava-guarani monterait à plus de 20 000 personnes. Mais selon Censabella (2010) l’enquête manque de clarté et ces chiffres sont à prendre avec précaution. Moins de la moitié de la population serait locutrice, même partielle, de la langue. A cela il faut ajouter les Chanés, dont la population s’élèverait à 4000 personnes et environ 1000 locuteurs de la langue, tous bilingues.
– Au Paraguay, la DGEEC, cité par l’UNICEF, compte 574 locuteurs de la langue, tous bilingues en guarani paraguayen, pour une population totale de 2 155 personnes.
Statut de la langue : Pas de statut officiel en Argentine et au Paraguay. En Bolvie, selon les termes du décret suprême 25894 du 11 septembre, approuvé en l’an 2000, le tapieté est une des langues « indigènes reconnues comme officielles ».
Vitalité et Transmission : L’ensemble « chiriguano » est globalement en danger. La situation varie selon les pays. Selon l’UNESCO, la vitalité serait meilleure en Bolivie où se trouvent les derniers locuteurs monolingues. En Argentine, la langue est très menacée et elle est en voie d’abandon au profit de l’espagnol. C’est probablement au Paraguay qu’elle est le plus menacée : les derniers locuteurs natifs sont âgés et les jeunes générations l’ont abandonnée au profit du guarani paraguayen.
Précisions ethnographiques :
Les populations locutrices de l’ensemble « chiriguano » ne constituent pas un groupe ethnique unique. Les Chanés constituent un groupes distinct, vivant dans des communautés séparés, par exemple, et il y a des différences entre les populations Ava, vivant au pied de la Cordillère des Andes et les populations Guarayo du Chaco paraguayen. Ce sont des populations diverses, marquées par une histoire complexe faite de métissages précoloniaux et d’éclatements postcoloniaux.
Au cours du 16ème siècle, des populations guaranis originaires des Itatines et de la forêt
ntique sud (dans le sud du Brésil actuel) ont migré à travers le Chaco pour atteindre l’extrême ouest du Grand Chaco, dans l’actuel Bolivie.
les Chanés, un groupe d’agriculteurs d’origine Arawak, vivaient dans cette région bien avant ces migrations. Ils avaient été influencés par les cultures andines, dont ils avaient acquis notamment les techniques de tissages et de fabrications des céramiques.
Les Guaranis ont colonisé les territoires chanés, ont réduit ceux-ci en esclavage et leur ont imposé leur langue. Les Guaranis les plus à l’ouest ont reçu des Chanés à leur tour, l’influence des cultures andines.
Les Guaranis vivants dans les limites ouest du Chaco ont été parmi les premières populations de la région à être au contact avec les conquistadors espagnols. Tout au long de l’histoire coloniale ils ont été persécutés, expropriés, et contraints à se déplacer sur des territoires de plus en plus restreints, puis convertis, sédentarisés de force par les missions au 18ème siècle.
La guerre du Chaco, dans les années 30, a accéléré l’éclatement de ces populations transfrontalières, sommées de choisir un camp (entre la Bolivie et le Paraguay) et voyant leur territoire transformé en champ de bataille.
De nos jours, la dégradation du milieu naturel lié au développement de l’agriculture et des estancias provoque la paupérisation des populations autochtone du Chaco et pousse de plus en plus les populations guaranis vers les milieux urbains provoquant ainsi l’abandon de la langue par les jeunes générations de plus en plus déculturées.
Pour plus d’informations sur l’histoire et la culture des populations chanés et chiriguanos, voir les nombreux ouvrages de Combès et le site amazonia.bo (en espagnol)
Sources
Bartomeu Melià, S.J. 2010. Paraguay in « Atlas sociolingüístico de pueblos indígenas en América Latina », UNICEF. Tome 1, pp 173-195.
Censabella, Marisa .2010. Argentina en el Chaco in « Atlas sociolingüístico de pueblos indígenas en América Latina », UNICEF. Tome 1, p 159-169.
Lopez, Luis E& Censabella, Marisa. 2010. Bolivia en el Chaco y el oriente in « Atlas sociolingüístico de pueblos indígenas en América Latina », UNICEF. Tome 1, p203-204.
Fabre, Alain. 2005. Diccionario etnolingüístico y guía bibliográfica de los pueblos indígenas sudamericanos. Consultable en ligne [28/03/2011]
Sources en ligne
Données collectées par l’UNICEF sur l’ensemble chiriguano
Données collectées par l’UNICEF sur le chané
Bibliographie complémentaire :
Bartolomé, Miguel Alberto 2004. Flechadores de jornales. Identidad guaraní en el Paraguay contemporáneo. Amérique Latine Histoire et Mémoire. Les Cahiers ALHIM, 10.
Combès, Isabelle. 2005. Etno-historias del Isoso Chané y chiriguanos en le Chaco boliviano (siglos XVI a XX). Fundación PIEB- Instituto Francés de Estudios Andinos.
Combès, Isabelle. 2007. Comment peut-on être Chiriguan ? in Lavaud, Jean Pierre & Daillant Isabelle (Eds). La catégorisation ethnique en Bolivie: labellisation officielle et sentiment d’appartenance. Paris, L’Harmattant. p 255-277.
Dietrich, W., 2007, « Nuevos aspectos de la posicioìn del conjunto chiriguano (guaraniì chaqueño) dentro de las lenguas tupiì-guaraniì bolivianas« , in Lenguas indígenas de América del Sur, A. Romero-Figueroa, A. Fernández Garay and Á. Corbera Mori (eds), Universidad Católica Andrés Bello, Caracas. 9-19.
Gonzalez, Hebe Alicia (2005). A grammar of Tapiete (Tupi-Guarani), University of Pittsburgh, PhD.
Melià, Bartomeu. 2004. “Las lenguas indígenas en el Paraguay; una visión desde el Censo 2002” in: Joan A. Argenter & McKenna Brown (eds.), On the Margins of Nations Endangered Languages and Linguistic Rights. F.E.L. Bath (England). Pp 77-87.
Voir l’Atlas sociolingüístico de pueblos indígenas en América Latina et Fabre (2005) pour une bibliographie plus complète.
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