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Famille des langues inuit-yupik-aléoutes
Données sur les langues inuit-yupik-aléoutes
Où sont parlées les langues inuit-yupik-aléoutes ?
Elles sont parlées dans une région appelée subarctique à l’extrême nord du monde, sur deux continents : l’Asie, l’Amérique du Nord et quatre pays : la Russie (la côte est de la Sibérie et les Iles Aléoutiennes), les Etats-Unis (dans l’Etat d’Alaska), le Canada (dans les provinces du Yukon, des Territoires du Nord Ouest, du Nunavut et du Québec) et au Groenland.
Qui parle ces langues ?
Les locuteurs des langues inuit-yupik-aléoutes sont des membres des « Premières Nations » nord-américaines, qui habitaient la région bien avant l’arrivée des Européens et la création des Etats-Unis et du Canada. Une partie de ces locuteurs vivent sur la côte et des archipels de Sibérie orientale, en Russie.
Nombre total de locuteurs (estimation) :
Environ 90 000 selon l’UNESCO et le site du SIL ethnologue.com
Classification
Aleut (nom alternatif : unangan) : 20 locuteurs pour les dialectes de l’est et 500 pour les dialectes de l’ouest selon UNESCO et SIL
Sous-famille inuit
Branche Yupik
Groupe Yupik Sibérien (noms alternatifs : eskimo asiatique ; yuit)
Naukanski (nom alternatif : naukan) : 70 locuteurs selon UNESCO et SIL
Sirenikski: éteint
Yupik Sibérien Central : 200 locuteurs selon UNESCO
Groupe Yupik d’Alaska
Yupik d’Alaska Centrale : 10 400 locuteurs selon UNESCO et SIL
Yupik du Golfe Pacifique (noms alternatifs : alutiiq, suk) : 200 locuteurs selon UNESCO et 400 selon SIL
Branche Inupiaq-Inuktitut-kalaallisut (ou inuit)
Inupiaq-Inuktitut: 75 000 locuteurs selon SIL
kalaallisut: environ 50 000 locuteurs
Commentaires sur la classification des langues inuit-yupik-aléoutes:
Cette famille se divise en deux sous-familles principales :
La sous-famille aléoute
La sous famille inuit (yupik-inuit)
L’aléoute (ou unangan) était parlé à l’origine dans les îles Aléoutiennes, les îles Pribilof, les îles Shumagin et l’extrême ouest de la péninsule d’Alaska, mais au 19ème siècle de nombreux villages ont été déportés et concentrés au large du Kamtchatka sur les îles du Commandeur. Au cours de cette période, la population aléoute aurait été réduite de 90%, passant d’une estimation de 25000 à 1491 personnes selon le recensement de 1910 !
La sous-famille inuit est constituée de deux groupes principaux, les langues yupik et l’iñupiak-inuktitut-kalaallisut. Les langues yupik sont parlées à l’extrémité de la Sibérie orientale, et en Alaska (où se situe probablement l’origine du proto-inuit-aléoute), alors que l’iñupiak-inuktitut-kalaallisut est un immense continuum s’étendant de l’Alaska jusqu’au Groenland. Il est composé de plusieurs variantes dont le statut de langues proches ou de variantes dialectales d’une même langue est sujet à débats.
L’inuktitut, langue officielle du Nunavut et le kalaallisut, langue officielle du Groenland font partie de ce continuum.
Les langues inuit-yupik-aléoutes sont-elles en danger ?
Oui. Le sirenenski est une langue éteinte depuis 1997. L’aléoute, qui ne compte que quelque centaines de locuteurs âgés, est classé en situation critique selon les critères de l’UNESCO (il sera très probablement éteint dans les années à venir, si rien n’est fait pour le sauvegarder), tout comme le sont les deux langues survivantes de la branche Sibérienne des langues yupik.
Le suk est également en situation critique . Seul le yupik d’Alaska centrale semble un peu moins en danger, mais la plupart des jeunes locuteurs n’apprennent plus la langue de leurs parents et parlent anglais en tant que première langue. Il risque donc de disparaître dans un futur proche.
L’ensemble inuit est dans une situation un peu différente. L’inuktitut est la langue officielle de la nouvelle province du Nunavut (créée en 1999) ce qui devrait lui donner une certaine protection. Néanmoins, à l’heure actuelle, l’inuktitut, comme l’iñupiak sont considérés comme vulnérales par l’UNESCO. Le kalaallisut, au Groenland, est la seule langue de la famille à ne pas être en danger.
Eléments ethnographiques
Comment vivent les locuteurs des langues inuit-yupik-aléoutes ?
Ce sont des populations de chasseurs-pêcheurs. La base de la nourriture, mais aussi de la matière première pour l’artisanat, l’architecture, etc. est animale, étant donné la pauvreté de la flore dans ces régions. On ne trouve que quelques baies l’été dans les zones les moins glaciaires, et le bois flottant occasionnel.
Le mode de vie traditionnel des peuples tels que les Inuits, est semi-nomade : sédentaires en hiver, habitant dans des constructions solides et durables ; nomades en été, se consacrant à la chasse et à la pêche pour la constitution de réserves.
L’environnement extrême dans lequel vivent les Inuits en fait souvent un exemple de l’extraordinaire faculté d’adaptation des peuples humains et a exercé une certaine fascination sur les européens, ce qui n’a pas empêché ceux-ci de déplacer les populations, d’exploiter et de polluer les zones de chasse et de pêche. Aujourd’hui, le mode de vie des Inuits, des Yupik et des autres populations subarctiques est grandement menacé par le réchauffement climatique et les diverses pollutions qui détruisent la faune de ces régions.
Comment sont les maisons des Inuits?
Contrairement au stéréotype, les Inuits ne vivaient pas, avant la colonisation, dans des igloos de neige sculptée. Ceux-ci étant plutôt considérés comme des abris temporaires (bien que d’un étonnant confort) souvent sur un bras de mer gelé. Il existait aussi des « igloos » en dôme faits de tourbe.
Le mot « iglu » en inuktitut désigne en fait une maison, quels que soient la forme et le matériau utilisés. En revanche, la neige était souvent ajoutée à l’habitat permanent d’hiver, pour ses propriétés isolantes.
Désormais, les Inuits vivent dans des maisons modernes, comme les Européens. Les igloos ne sont plus construits que pour le plaisir ou pour les touristes.
Précisions linguistiques
Caractéristiques linguistiques des langues inuit-yupik-aléoutes :
Parmi les nombreuses spécificités linguistiques des langues inuit-yupik-aléoutes, nous avons choisi de vous présenter leur système très agglutinant de construction des mots :
Pour plus de clarté prenons un exemple, en iñupiak-inuktitut :
Tusaatsiarunnanngittualuujunga qui signifie en français « je n’entends pas très bien ».
on pourrait décomposer ce mot de la manière suivante : la racine Tusaa- (« entendre ») suivie de 5 suffixes :
tsiaq- (« bien »), –junnaq– (« être capable de »), –nngit– (negation), –tualuu– (« beaucoup »), –junga (marque de la 1ère personne et du présent de l’indicatif)
Ce mot illustre le fait que les langues eskimo-aléoutes sont des langues hautement polysynthétiques, c’est-à-dire qu’un mot peut être composé d’une suite de morphèmes lexicaux (substantifs, verbes, adjectifs etc.), comme si des parties de phrases entières étaient soudées les unes aux autres pour constituer un seul mot.
Par ailleurs, ces langues sont agglutinantes : les mots se forment à partir d’une racine lexicale qui porte le « sens » principal, et à laquelle on peut ajouter un certain nombre de morphèmes grammaticaux appelés affixes , qui donnent des indications d’ordre grammatical, et qui dans une langue comme le français peuvent se traduire par des mots indépendants (prépositions, articles, pronoms etc.).
En iñupiak-inuktitut la racine se place toujours en premier, et le nombre de suffixes (morphèmes qui se rajoutent après la racine) possible est extrêmement élevé, il n’est limité que par la compréhensibilité, et par leur fonction grammaticale. Leur ordre peut varier selon ce que l’on veut mettre en avant (à l’exception du suffixe casuel qui se place toujours à la fin).
Combien y-a-t-il de mots en inuit pour dire « la neige » ?
En 1911, dans Handbook of North American Indians, le linguiste américain Franz Boas cite quatre mots : aput (neige au sol), gana (neige qui tombe), piqsirpoq (bourrasque de neige) et qimuqsuq (amoncellement de neige, congère). De toute évidence, le fait de donner des noms différents aux diverses façons dont se présente la neige est lié à son importance dans la vie des Inuits.
On pourra cependant faire trois remarques pour atténuer l’originalité de ce phénomène :
-d’abord, il est du même ordre que tous les « langages de spécialité » des professionnels (de la mécanique, de la médecine, de l’imprimerie, de la botanique, etc.).
-Ensuite on pourrait dire qu’avec « pluie, rivière, flaque, mare, mer cascade » etc. le français a beaucoup de noms pour « l’eau ».
-Enfin (et Boas le dit lui-même), ce qui serait exprimé par un seul mot en inuktitut peut l’être par un groupe de mots dans une autre langue : ainsi on peut parler de « neige poudreuse, damée, fondante, durcie » etc., et même comme on l’a vu, employer un seul mot (« congère »), voire substantiver les adjectifs (« la poudreuse »).
Toujours est-il que l’idée de plusieurs mots pour la « neige », associée à la fascination pour une culture très différente de la nôtre, a donné lieu à un véritable mythe et à une inflation de ce nombre de noms pour dire la neige. En effet, certains ont parlé de dix, puis de cinquante, et d’autres sont même allés jusqu’à deux cents ! Mais c’est faux.
Il se peut d’ailleurs que les très grands nombres cités viennent d’une confusion entre l’existence de plusieurs noms de la « neige » et le fait que dans une langue polysynthétique on peut faire beaucoup de mots avec une seule et même racine (mais cela vaut pour n’importe quelle racine, et pas seulement pour celles qui se traduisent par « neige »).
Pour plus d’information sur le sujet voir Geoffrey Pullum The Great Eskimo Vocabulary Hoax, The University of Chicago Press (1991).
Comment s’écrivent les langues inuit ?
Il existe une écriture alphasyllabaire spécifique pour l’inuktitut, basée sur le syllabaire développé pour le cree. Cette écriture a pris récemment un caractère officiel puisqu’elle est une des deux écritures officielles du gouvernement du Nunavut.
Voici en guise d’exemple un mot en inuktitut : dont la transcription est « ajiliurijikutaq » et la traduction : le grand photographe .
Il faut noter que cette écriture ne s’utilise pas pour toutes les langues inuit-yupik-aléoutes, seulement pour l’inuktitut au Canada.
Sources
Campbell, Lyle. American Indian languages: the historical linguistics of Native America. Oxford: Oxford University Press. (1997)
Collins, D.R.F., ed. 1990. Arctic Languages: An Awakening. Paris: UNESCO.
Dorais, Louis-Jacques. 2010. The Language of the Inuit: Syntax, Semantics, and Society in the Arctic. McGill-Queen’s University Press.
Fortescue, Michael. 1984. West Greenlandic. London: Croom Helm.
Mithun, Marianne. The languages of native North America. Cambridge, UK: Cambridge University Press. (1999).
Site consacré aux langues amérindiennes
Article de l’Encyclopédie Britannica en ligne
Sites consacrés à la défense des langues et cultures autochtones du Canada :
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Fiches descriptives disponibles pour les langues suivantes au sein de cette famille :