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Famille des langues chinookanes ou chinook
Données sur les langues chinookanes
Où sont parlées les langues chinook ?
Ces langues sont parlées par des peuples autochtones d’Amérique du Nord, dans les états d’Oregon et de Washington, sur la côte Ouest des Etats-Unis.
Qui parle ces langues ?
Les locuteurs de langues chinook sont des membres des « Premières Nations » nord-américaines, qui habitaient déjà la région bien avant l’arrivée des Européens et la création des Etats-Unis et du Canada. De nos jours, les locuteurs du haut-chinook vivent dans des réserves aux Etats-Unis.
Classification
La famille des langues chinook compte à ce jour une langue.
Bas-Chinook (nom alternatif : coastal chinook) : éteint
Haut-Chinook (noms alternatifs : columbia chinook ; kiksht) : 7 locuteurs selon UNESCO
Kathlamet (noms alternatifs : cathlamet ; katlamat) : éteint
Commentaires sur la classification des langues chinooks :
Le kathlamet a été longtemps considéré comme un dialecte du haut-chinook, mais selon Mithun, il n’y a pas d’intercompréhension entre les locuteurs de ces deux langues et le kathlamet présente des caractéristiques linguistiques qui le place en position « intermédiaire » entre le haut et le bas-chinook. Ceci explique, cependant, que certaines sources, le site ethnologue.com par exemple, ne citent que deux langues pour la famille chinookane.
Le haut-chinook était à l’origine un ensemble d’une demi-douzaine de dialectes, parlés dans la partie haute de la rivière Colombia et dont seul le wasco-wishram serait encore actif.
NB1 : Il est important de faire la distinction entre les langues chinook et le « jargon chinook ». Ce dernier est un « pidgin », ou « lingua franca » qui a servi de langue d’échange entre les locuteurs des différentes langues autochtones et les européens dans toute la région au cours du 19ème et 20ème siècle et a aujourd’hui presque totalement disparu. Il était basé sur un lexique mixte de diverses langues du nord-ouest américain, de l’anglais et du français.
NB2 : Les langues chinooks sont parfois inclues dans l’hypothètique superfamille « pénutienne ». Mais selon Mithun (1999), la validité de cette «superfamille » pénutienne, bien que probable n’est pas démontrée de manière scientifiquement satisfaisante. Nous suivons donc sa classification ici, et présentons les langues chinooks comme une famille distincte.
Les langues chinook sont-elles en danger ?
Oui. Cette petite famille de langues a presque entièrement disparu, il ne resterait que quelques locuteurs du dialecte wasco et du dialecte wishram, tous deux dialectes du haut-chinook, tous très âgés. Il apparaît aujourd’hui fortement probable que cette famille disparaisse complètement dans la décennie à venir, si elle n’est pas déjà éteinte.
Eléments ethnographiques
Comment vivent les locuteurs des langues chinooks ?
Le terme chinook a été utilisé pour désigner plusieurs tribus amérindiennes qui vivaient, avant la colonisation le long de la rivière Columbia et sur la côte pacifique autour de l’embouchure de la rivière. Il y avait des différences culturelles entre ces diverses tribus (surtout entre les tribus de la côte et les tribus de l’intérieur), mais elles partageaient plusieurs traits culturels.
La rivière était centrale pour la vie des locuteurs de langues chinooks. Ils étaient reconnus pour être d’habiles navigateurs fluviaux, fabriquaient des canoës très solides, maniables et biens adaptés à la rivière. Ils disposaient souvent leurs morts dans des canoës funéraires confiés à la rivière.
Ils étaient chasseurs-pêcheurs et le saumon était un élément important de leur alimentation. Ils vivaient dans des « maisons communautaires », de grandes maisons de bois qui pouvaient parfois abriter une communauté entière de plusieurs familles.
La rivière Columbia était au cœur d’un vaste réseau commercial qui s’étendait de l’ouest des Grandes Plaines à l’Alaska, en longeant toute la côte pacifique nord. Les peuples chinook ont donc été les partenaires commerciaux principaux des Européens au début du 19ème siècle.
Comment étaient-ils organisés ?
Comme la plupart des autres peuples de la région du Nord-Ouest, ils avaient des sociétés très structurées et hiérarchisées. Il y avait des classes sociales : « des nobles », « des roturiers » et ils pouvaient pratiquer l’esclavage des ennemis vaincus. Il y avait là aussi certaines différences entre les tribus, les clatsops (locuteur de bas-chinook) n’avaient pas de « chefs » tribaux à proprement parler. Chaque maison commune avait un ou plusieurs leaders, aussi bien homme que femme. Parmi les traits distinctifs des classes sociales, une a beaucoup marqué les Européens : la pratique de la déformation crânienne.
La déformation crânienne, qu’est ce que c’est ?
C’est une pratique esthétique qui servait à marquer la place d’un individu dans la hiérarchie sociale. On aplatissait le front et la partie avant du crâne d’un enfant dans ses premières années, à l’aide de planches. Dans la plupart des cultures, elle permettait de distinguer les « hommes libres » des esclaves. Elle était aussi considérée comme un critère de beauté chez les hommes et chez les femmes. Cette pratique était aussi partagée par plusieurs autres tribus de la région. La déformation crânienne n’est plus pratiquée de nos jours.
Précisions linguistiques :
Spécificités linguistiques des langues chinookanes :
Parmi les spécificités des langues chinookanes, deux ont particulièrement retenu notre attention : le grand nombre de consonnes et le système agglutinant de construction des mots.
– Comme beaucoup de langues de la côte pacifique nord, ces langues utilisent abondamment les consonnes, et certains mots ne présentent que peu ou pas de voyelles. Voici un exemple, en kathlamet :
qtk’kst qui signifie : « fait » (adjectif).
Ce mot ne comporte aucune voyelle au sens où un locuteur de français, par exemple, l’entendrait. Si tous les mots ne sont pas aussi extrêmes, l’abondance de consonnes dans ces langues constitue souvent un défi à la notion de syllabe…Et à la prononciation.
Prenons un autre exemple, toujours en kathlamet :
ic’łkˀixs qui signifie : « il l’a déposé sur le sol »
On pourrait décomposer ce mot ainsi :
i- (passé immédiat)/-c’-(Masculin ergatif)/-ł– (neutre absolutif)/-kˀi- (sur le sol) /-xs (racine : « déposer »).
Cet exemple illustre le fait que les langues chinookanes sont agglutinantes, c’est-à-dire que les mots se forment à partir d’une racine lexicale qui porte le « sens » principal, et à laquelle on peut ajouter un certain nombre de de morphèmes grammaticaux appelés affixes, pour associer à cette racine lexicale des indications d’ordre grammatical. Les mots sont donc composés de diverses parties d’une phrase soudées les uns aux autres et l’on est souvent obligé de traduire ces mots par une phrase complète en français.
Les langues chinook ont des racines très courtes, parfois composées d’une seule consonne. Elles utilisent un préfixe (qui se place avant la racine) masculin, féminin ou neutre pour marquer le genre d’un nom pour les personnes. Mais ces préfixes peuvent aussi parfois servir à marquer la taille d’un objet inanimé, par exemple en kathlamet :
e̅’pqunx (masculin) qui signifie « un grand panier en racine d’épicéa »
o̅’pqunx (féminin) qui signifie « un petit panier en racine d’épicéa »
Le masculin servant dans ce cas à marquer un grand objet, et le féminin un petit objet. C’est un principe qui peut se généraliser à des êtres animés non-humains :
i̅’pɛnpɛn : « blaireau » (masculin)
o̅’pɛnpɛn : « putois » (féminin)
Enfin, on peut ajouter que dans leur fonctionnement de formation des mots ces langues utilisent parfois des onomatopées qui sont totalement intégrées au lexique. Par exemple en wisco-wishran, he’he’ veut dire « rire » et i-tsiktsik signifie « un wagon » (probablement d’après le son des roues sur les rails).
Quelques sites pour en savoir plus
Le site de la nation Chinook :
http://www.chinooknation.org/Default.aspx?tabid=1
Site consacrées à la nation et aux langues chinooks
http://www.chinookindian.com/default.htm
Site de la tribu Clatsop, locuteurs de bas-chinook
http://www.clatsop-nehalem.com/index.htm
Pages consacrées aux Clackamas, locuteurs de haut-chinook
http://www.usgennet.org/usa/or/county/clackamas/clackamas.html
Sources :
Mithun, Marianne The languages of native North America. Cambridge, UK: Cambridge University Press. (1999).
Campbell, Lyle. American Indian languages: the historical linguistics of Native America. Oxford: Oxford University Press. (1997)
Site consacré aux langues amérindiennes :
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