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21 mai 2011 : The Australian publie un article intitulé «Parler sa langue maternelle est vital»
The Australian, un quotidien australien très engagé dans la promotion du libéralisme et de l’économie de marché, lu par l’élite politique et économique, publie un article qui a du surprendre ses lecteurs habituels. Cet article reprend en effet de larges passages de la postface de la réédition d’un ouvrage de Noel Pearson intitulé Radical hope (« Espoir radical »), tout un programme…
Mais qui est Noel Pearson ? C’est un avocat australien qui milite pour les droits des Aborigènes et a fondé le Cape York Institute for Policy and leadership, une organisation en faveur du développement économique et social des Aborigènes du Cap York. C’est aussi un chef indigène connu en tant que théoricien et commentateur politique aux solides arguments.
Parson développe ici l’idée selon laquelle la maîtrise de l’anglais n’est pas la seule condition de réussite pour les Aborigènes d’Australie : la maîtrise des langues aborigènes est tout aussi vitale, et leur reconnaissance capitale pour que ces populations qui endurent tous les maux liés à la déculturation retrouvent l’espoir.
Nous vous livrons ici quelques extraits de cet article, et vous encourageons à en découvrir l’intégralité sur le site de The Australian.
« J’ai écrit en 2009 que notre espoir dépend de l’éducation : L’espoir radical pour le futur de l’Australie aborigène réside dans l’assemblage de la culture des Lumières et de la culture aborigène. L’éducation de nos enfants dans ces deux traditions est fondamentale pour cet espoir.
« A la péninsule du Cap d’York, nous avons montré que notre vision était réalisable, que tous les enfants aborigènes, même ceux qui vivent dans des endroits reculés, peuvent réussir une éducation primaire qui leur permet d’accéder à des études secondaires et supérieures de qualité. Et ils peuvent alors prendre leur place dans les communautés nationale et globale. (…)
« Les anglophones non-indigènes d’Australie ont du mal à comprendre l’angoisse existentielle de petites ethnies. On comprend aisément pourquoi. La langue anglaise et la culture Anglophone sont les plus puissantes forces que l’histoire ait connues. (…)
« J’ai écrit que l’un des meilleurs dons pour un enfant est la maîtrise absolue de l’anglais et de la tradition anglophone. Cela étant, le plus grand don pour un enfant australien (…) est d’avoir une autre langue, une langue maternelle, une langue du cœur qui n’est pas l’anglais. (…)
« La culture anglophone est peut-être la plus grande de l’histoire, mais il y a certaines idées qui ont été mieux comprises pas d’autres cultures. L’importance du multilinguisme, et la façon de le préserver, est l’une d’entre elles.
« Les Suédois des côtes de l’est de la Mer Baltique, séparés de la Suède pendant des siècles, et aussi pendant de longues périodes sous domination soviétique, ont tout dit dans le titre et les premières lignes de leur hymne non officiel, la Chanson de la Langue Maternelle :
Combien la chanson résonne de façon douce
Dans la langue maternelle aimée,
Consolant la douleur
Aiguisant l’acier de l’esprit…
« Sentant la menace d’extinction de leur culture minoritaire, ces Suédois ont pris leur langue maternelle comme seul thème de leur hymne. Ils ont constaté fort justement que c’est dans la langue maternelle que l’on a une liberté intellectuelle et spirituelle. (…) Mais, de façon significative, la première chose que l’hymne dit, c’est que la langue maternelle console la douleur. Tous ceux qui appartiennent à des minorités comprennent pourquoi ceci est dit en premier lieu. La vie humaine comporte beaucoup de peine ; les minorités doivent affronter la peine supplémentaire de ne pas maîtriser la destinée de leur peuple, et la perspective de voir leur culture effacée de l’histoire. (…)
« Nous avons besoin de vies économiquement et socialement durables. Mais c’est notre lien avec le passé – un lien qui casserait sans la langue – qui fait que nos vies sont spirituellement durables en tant que membres d’un peuple conquis. Ce dont nous avons besoin plus que tout, c’est de voir que nos langues ne sont pas condamnées à n’être parlées que dans quelques foyers, mais qu’elles sont aussi des langues avec un futur : des langues en développement, officiellement reconnues comme langues d’Australie. (…)
« Si vous ne parlez pas une langue australienne indigène, apprenez-en une. (…) Si vous en connaissez une, améliorez-en votre connaissance. (…) Ensuite, parlez-là aux enfants. Ceci est la plus noble et la plus valable des causes pour un patriote australien. »
Pour lire l’intégralité de l’article
Pour lire les blogs de Maïa Ponsonnet sur la situation linguistique en Australie :
– La tradition multilingue australienne en contexte post-colonial