Imprimer |
11 juin – 11 juillet : un match des langues en Afrique du sud
C’est un pays aux 11 langues officielles qui accueille du 11 juin au 11 juillet la Coupe du Monde de Football. Une bonne occasion de faire le point sur la situation linguistique de ce pays, qui enverra sur le terrain… 11 joueurs sans doute polyglottes !
Les 11 langues officielles :
La Constitution Sud-africaine prévoit le multilinguisme (Article 6) et définit ainsi la liste des langues officielles :
– 9 langues bantoues (famille de langues Niger-Congo) :
– songa
– venda
– Quatre langues du groupe nguni : ndebele, xhosa, zoulou et swati
– Trois langues du groupe sotho : sotho du sud, sotho du nord et tswana,
– 2 langues d’origine germanique (famille de langues Indo-européenne):
– anglais
– afrikaans, une variante du néerlandais.
Mais la réalité est bien différente et l’histoire nous explique pourquoi.
Le pays a subi deux vagues de colonisation successives, une première néerlandaise à laquelle il doit l’afrikaans, puis une seconde britannique d’où lui vient l’usage répandu de l’anglais. Si ces deux langues sont aujourd’hui ex aequo en tête des pratiques administratives (Justice, Parlement etc.), du côté des foyers c’est le zoulou qui semble dominer, avec un avantage de presque 23% de la population, suivi de près par le xhosa (près de 18%).
A la radio, il existe une fréquence particulière pour chacune des langues officielles. La télévision quant à elle est majoritairement en anglais.
Des trois chaînes publiques nationales de la South African Broadcasting Corporation (SABC), seules deux diffusent des programmes en langues bantoues, et cela moins de la moitié du temps :
– SABC1 est en anglais surtout (60% du temps), puis en langues nguni (20%) et tsonga ou venda (18%)
– SABC2 est surtout en anglais et afrikaans (60%), puis en langues sotho (15%) et tsonga ou venda (17%)
– SABC3 est uniquement en anglais
Pour le reste, il s’agit de chaînes étrangères captées le plus souvent par satellite et transmises en anglais ou en afrikaans.
Dans la presse nationale et régionale, les langues les plus utilisées sont l’afrikaans et l’anglais. Viennent ensuite le sotho du sud, le swana, le xhosa et le zoulou. Les cinq dernières langues bantoues – venda, songa, swati, sotho du nord et ndebele – sont absentes des publications nationale.
Les langues non officielles :
En plus des 11 langues officielles, on compte aussi dans le pays quelques 200 000 locuteurs de langues d’origine étrangère et sans lien direct avec la colonisation (allemand, grec, hindi, portugais, tamoul, arabe, hébreu etc.) qui n’ont pas de statut particulier mais dont la constitution sud africaine prévoit tout de même de faire la promotion.
Sans oublier trois langues africaines en situation critique :
– le korana, de la famille des langues khoe (ou khoisan), qui nous est familière depuis le film « Les dieux sont tombés sur la tête », et qui, d’après l’UNESCO, ne comptait déjà plus en 2008 que 6 locuteurs ;
– le xiri, également de la famille khoe, encore parlé par 87 personnes en 2000 ;
– le n|uu (ou khomani), de la famille Tuu, parlé par seulement 8 locuteurs en 2008.
Il est intéressant de noter que ces langues ont périclité, non pas à cause de l’anglais et de l’afrikaans, mais plutôt sous les coups de boutoir des neuf langues bantoues locales.
La politique linguistique et ses résultats:
Le pays compte de nombreux organismes chargés de protéger le multilinguisme constitutionnel. Les diverses mesures mises en place incluent l’organisation d’activités en langue maternelle pendant le premier cycle de la scolarité primaire, et l’obligation théorique de publier tout document officiel dans au moins six langues (anglais, afrikaans, songa, venda, au moins une langue du groupe nguni et au moins une du groupe sotho).
Mais la dominance actuelle reste à l’anglais et à l’afrikaans dans les institutions pour plusieurs raisons :
– Le coût prohibitif des traductions et interprétations, étant donné que onze langues impliquent 55 combinaisons possibles
– Le manque de traducteurs
– L’idée que l’unicité linguistique protège des divisions ethniques
Pour information, la FIFA (Fédération Internationale de Football Association) fait en sorte que les 30 arbitres de la coupe soient secondés par deux assistants parlant la même langue afin de préserver la qualité de l’arbitrage. Cette année, l’Afrique subsaharienne fournit trois arbitres, le Malien Koman Coulibaly, le Sud-Africain Jérôme Damon et le Seychellois Eddy Allen Maillet, qui communiqueront donc peut-être entre eux en langues africaines… !